Entre phraséologie et conditionnement contextuel : le cas des constructions pseudo-coordonnées en russe et en grec moderne

DOI : 10.54563/lexique.174

p. 191-210

Résumés

In this paper we aim at analyzing the conditions of phraseologization of Russian and Modern Greek [V1 RELATOR V2] pseudo-coordinated constructions in which two coordinated verbs express a single process, the first verb being deprived of its literal meaning in order to modify the interpretation of the second one. After a short introduction, the first part of the paper analyzes the context-induced uses of such constructions, which always require a retrospective discourse orientation. We adopt the notion of force dynamics for distinguishing two different degrees of verbal coalescence: integrated and tight coalescence. If the former type of coalescence is more relevant for grammaticalization, the latter pertains the process of phraseologization. The second part of the paper examines the role played by the semantics of the first verb in the interpretation of the syntagm on the basis of two comparable verbs: ‘sit’, ‘sit down’ (R: sidet’, sest’/sadit’sja; GM: kaθome) and ‘take’ (R: vzjat’/brat’), ‘seize/grab’ (GM: piano).

Nous nous proposons d’étudier les conditions de phraséologisation en russe et en grec moderne de syntagmes pseudo-coordonnés de forme [V1 relateur V2], dans lesquels deux verbes formellement unis par un coordonnant désignent un procès unique, le premier perdant son sens littéral pour modifier l’interprétation du second. Après un bref rappel de l’état de la question, la première partie de l’article étudie le conditionnement contextuel du phénomène, qui demande toujours une orientation discursive rétrospective. Nous faisons appel à la notion de dynamique des forces et nous distinguons deux degrés de coalescence entre les verbes, intégré et soudé, le premier relevant plus de la grammaticalisation et le second de la phraséologie. La seconde partie de l’article examine le rôle joué par le sémantisme du premier verbe dans l’interprétation du syntagme à partir de l’exemple de deux types de verbes comparables dans les deux langues : ‘être assis’, ‘s’asseoir’ (R : sidet’, sest’/sadit’sja ; GM : kaθome) et ‘prendre’ (R : vzjat’/brat’), ‘saisir’ (GM : piano).

Plan

Notes de la rédaction

Received: March 2021 / Accepted: July 2021
Published online: December 2021

Texte

1. Introduction

Nous nous proposons ici d’étudier les conditions de phraséologisation en russe (R) et en grec moderne (GM) de syntagmes pseudo-coordonnés de forme [V1 relateur V2], dans lesquels deux verbes formellement unis par un coordonnant désignent un procès unique, le premier perdant son sens littéral pour modifier l’interprétation du second :

(1)

R : [post sur un Forum Internet consacré au choix des appareils photo numériques]

Bystro razrjažalsja akkumuljator. Vot teper’ sižu i dumaju, pravil’nuju li pokupku sdelal. Kak Vy dumaete ? (NKRJa, voir note 2)

‘La batterie s’est déchargée drôlement vite. Du coup, je me demande [litt. ‘Voilà maintenant (je) suis-assis et pense’] si c’était vraiment1 un bon achat. Qu’en pensez-vous ?’

(2)

GM : Na’rθi brosta mu na ta pi afta pu kaθete ke lei piso apo tin plati mu ja mena. (K. Takhtsis, To trito stefani)

‘Qu’elle vienne dire devant moi tout ce qu’elle va raconter partout [litt. ‘(elle) est-assise et dit’] sur moi dans mon dos.’

En (1) comme en (2), le V1 ne renvoie pas à la position assise, qui n’a ici aucune pertinence, mais sert à infléchir la sémantique du V2. En (1), celui-ci n’a plus la valeur processuelle qu’il prend normalement devant une interrogative indirecte (Ja dumaju, vsë li ja vzjal ‘Je réfléchis si j’ai bien tout pris’), mais exprime la mise en doute rétrospective d’une conviction première ébranlée par un fait inattendu. En (2), il perd sa valeur neutre (‘dire/parler’) pour prendre une connotation négative et présenter la parole comme à la fois malveillante et largement diffusée.

Le phénomène de la pseudo-coordination a attiré l’attention de nombreux chercheurs, qui relèvent la présence de telles constructions dans les langues de différentes familles (indo-européenne, finno-ougrienne, sémitique, etc.) ou régions du monde (Europe, Afrique, Océanie) (Coseriu, 1966 ; Ross, 2016). La plupart des travaux s’inscrivent dans une perspective typologique. Ils soulignent la proximité de ces constructions avec les constructions sérielles de certaines langues d’Afrique et d’Asie et notent que les verbes susceptibles d’instancier la position V1, en nombre plus ou moins restreint suivant les langues, tendent à toujours appartenir aux mêmes groupes sémantiques (verbes de posture, de déplacement, de préhension, etc.). Le phénomène est généralement analysé sous l’angle de la grammaticalisation, la mise en relation des deux verbes étant supposée vider le premier de son contenu lexical pour le transformer en quasi-auxiliaire du second : ainsi Kuteva (1999) voit dans l’emploi d’un verbe de posture statique (‘être assis / debout / couché’) un procédé destiné à conférer une valeur durative ou progressive au procès dénoté par le V2. Selon Hopper (2008), la grammaticalisation des V1 serait un processus graduel, prenant naissance dans les échanges oraux, sous l’influence de facteurs pragmatiques.

Notre démarche comparative est un peu différente et vise à explorer la dimension à la fois phraséologique et discursive de ces constructions. Nos données, issues d’un important corpus d’exemples attestés étudiés dans leur contexte large2, font en effet apparaître des restrictions concernant non seulement l’inventaire des verbes pouvant fonctionner comme V1, mais aussi souvent celui des V2 associables à chacun et les configurations contextuelles dans lesquelles les syntagmes ainsi formés peuvent figurer. On observe notamment des associations privilégiées entre certains V1 et certains V2, telles que celles qui sont illustrées en (1) et (2), dont le sens et les conditions d’emploi restent souvent opaques pour le locuteur non natif et qui, malgré leur fréquence, ne sont généralement pas répertoriées par les dictionnaires. Contrairement aux phraséologismes « classiques », en effet, leur interprétation reste dépendante du contexte, en fonction de mécanismes que nous nous proposons d’analyser.

Nous attribuons cette dépendance au fait que les coordonnants I (R) et KE (GM) ont un double statut (Bonnot & Vassilaki, 2017) : conjonction de coordination, dont le fonctionnement relève de la seule linéarité syntagmatique (‘et’), et marqueur discursif activant l’axe paradigmatique en renvoyant à des représentations subjectives implicites (valeurs communes ‘aussi’, ‘même’, ‘justement’, ‘d’ailleurs’, etc.).

La première partie de l’article sera consacrée à la mise en évidence de principes réguliers, communs aux deux langues, régissant l’interaction de ces syntagmes avec le contexte. La deuxième partie étudiera le rôle joué dans cette interaction par la sémantique spécifique du V1. Pour cela, nous prendrons comme exemples deux types de verbes comparables dans les deux langues : des verbes intransitifs de posture (‘être assis / s’asseoir’) et des verbes transitifs de préhension (‘prendre’ et ‘saisir’).

2. De la coordination à la pseudo-coordination

2.1. Les constructions pseudo-coordonnées dans les deux langues

Les traits formels distinguant les syntagmes pseudo-coordonnés des coordinations « canoniques » sont les mêmes dans les deux langues. Le V1, même transitif, perd ses arguments propres, ceux du V2 sont régis par le syntagme pris en bloc, auquel ils peuvent éventuellement être antéposés. Les marqueurs discursifs (‘voilà’, ‘simplement’, etc.), fréquemment présents, portent également sur tout le syntagme et précèdent généralement le V1. D’autres traits communs, notamment intonatifs, dépendent du degré de coalescence des deux verbes, comme nous le verrons plus loin.

Les deux langues diffèrent en revanche quant à l’extension du phénomène. En russe, l’inventaire des V1 est très limité, avec un petit noyau de verbes pour lesquels cet emploi, très productif, est reconnu (verbes de posture statiques et dynamiques, de déplacement, de préhension), et de rares autres (‘vivre’, ‘vouloir’) pour lesquels ce phénomène, plus occasionnel, n’a pas encore été répertorié. On note par ailleurs qu’à côté des syntagmes pseudo-coordonnés formés avec le relateur I, seuls pris en compte ici, il en existe d’autres formés avec le relateur DA, ayant lui aussi le double statut de coordonnant (‘et puis/mais’) et de marqueur discursif, ou même avec la combinaison DA I3. Les mêmes V1 apparaissent également dans des constructions sérielles (sans relateur), présentant soit la même séquence V1V2, soit la séquence inversée V2V1, l’accent restant sur V2. La concurrence entre ces possibilités n’a pratiquement pas été étudiée, mais les quelques tests de commutation en contexte que nous avons réalisés avec des informateurs natifs montrent qu’elles sont loin d’être équivalentes. Le relateur et ses propriétés spécifiques jouent donc un rôle central pour l’interprétation du syntagme.

En grec moderne, l’inventaire des V1 est en revanche très large, incluant des verbes de phase, de posture / mouvement, de préhension, de perception, de capacité, de contrôle, des modaux4. En nous référant à la distinction rappelée par Ross (2016, p. 212), entre « pseudo-coordination verbale » et « propositionnelle » (clausal), nous pensons que le GM possède les deux types, avec certains V1 ayant obligatoirement le même sujet que le V2 (‘être assis et écrire’) et d’autres, notamment les verbes de perception, qui relèvent de la coordination propositionnelle (se akuo ke milas ‘je t’entends et tu parles’ = ‘je t’entends parler’). Les constructions du premier type, seules étudiées ici, sont en concurrence avec des constructions complétives à V2 au subjonctif (particule NA : kaθome na ɣrapso ‘je me mets [litt. m’assieds] à écrire’).

2.2. Double statut des relateurs I et KE et hypothèse de départ

Dans notre article déjà mentionné, nous avions redéfini les deux statuts que peuvent prendre I et KE comme les deux pôles d’un même continuum associant dimensions syntaxique et discursive : le relateur fonctionne comme conjonction lorsque l’orientation de l’énoncé est prospective et comme marqueur discursif lorsqu’elle est rétrospective ; les deux statuts peuvent être cumulés dans les contextes superposant les deux orientations.

C’est précisément cette possibilité de bascule d’une orientation à l’autre qui est selon nous à l’origine du phénomène de la pseudo-coordination. Nous considérons qu’il s’agit d’un phénomène graduel et distinguerons, en fonction de l’orientation discursive et du degré d’intrication des deux verbes, trois stades que nous appellerons conventionnellement coordination canonique, coordination intégrée et coordination soudée. Cette gradation peut être mise en évidence par les trois paires d’exemples suivants, illustrant pour chaque degré la coordination de deux procès téliques (R : [‘s’asseoir et’ V2]) et de deux procès non téliques (GM : [‘être assis et’ V2]) :

  • Coordination canonique

(3)

a.

R: On podošël k stolu, sel i stal pisat’.

‘Il alla à la table, s’assit et commença à écrire.’

b.

GM : Xtes vraði kaθomastan sti veranda ki aɣnandevame ti θea pu itan apistefti.

‘Hier soir, nous étions assis sur la terrasse et contemplions la vue, qui était incroyable.’

Qu’il exprime une relation de consécution dans un récit chronologique (a) ou de concomitance dans une description (b), l’énoncé a une orientation entièrement prospective, le V1 accompagné de son complément éventuel posant le cadre qui permet l’actualisation du procès exprimé par le V2 et lui servant de repère spatio-temporel. Chaque membre de la construction coordonnée garde son autonomie référentielle, ce qui se traduit par la présence sur chacun d’un accent assertif entérinant son ancrage dans le temps.

  • Coordination intégrée

(4)

a.

R : « Bože moj, kakie užasnye karakuli ! Sejčas že perepiši ! » Estestvenno, rebënok sjadet i perepišet, no k processu učëby u nego načnët razvivat’sja stojkoe otvraščenie. (NKRJa) 

‘« Mon Dieu, qu’est-ce que c’est que cette écriture ! Recopie ça tout de suite ! » Naturellement, l’enfant va recopier [litt. ‘s’assiéra et recopiera’], mais il commencera à développer une solide aversion pour le travail scolaire.’

b.

GM : [Retour au travail après le confinement] Akoma ðen mas exun aniksi sti ðulja ki eɣo kaθome ke skeftome tis ðiakopes, ha, ha, ha. (Twitter)

‘Ils n’ont même pas encore rouvert au travail et moi je suis déjà en train de penser [litt. ‘(je) suis-assise et pense’] aux vacances, lol.’

Ces deux exemples s’écartent de la neutralité et de la stricte linéarité de (3a-b) et interpellent le destinataire en récusant une attente implicite. Contrairement à (3a), l’énoncé argumentatif (4a) ne vise pas à décrire une succession d’actions, mais à mettre en garde contre les conséquences qu’aurait la réalisation sous la contrainte du procès P exprimé par le V2. L’orientation est donc à la fois prospective (l’injonction de réaliser P est suivie de sa réalisation effective) et rétrospective (cette réalisation n’est d’emblée envisagée que du point de vue de ses conséquences jugées néfastes). Pris dans ce double mouvement, le V1 perd de sa substance et a une fonction essentiellement rhétorique : n’exprimant plus tant une posture physique que psychologique‒ la soumission de l’enfant qui « se plie » à contrecœur à ce qu’on attend de lui ‒ il renforce la dimension concessive de l’énoncé en opposant explicitement l’actualisation de P (obéissance de l’enfant) à sa non-actualisation (refus de l’enfant). Bien qu’en partie privé d’autonomie référentielle puisqu’il ne symbolise plus que le franchissement de la borne initiale du procès exprimé par le V2, le V1 garde un accent propre entérinant l’effectivité de ce franchissement.

On retrouve un même double mouvement en (4b), où le locuteur ne commence par rappeler une situation connue du destinataire (orientation rétrospective) que pour mieux souligner à quel point il est loin de l’état d’esprit qu’elle requiert (orientation prospective). Dans cette configuration, le rôle du V1 n’est plus de renvoyer à la position assise, mais d’insister sur la concomitance problématique entre la nécessité de reprendre le travail et la posture du sujet rêvant aux vacances, ce qui donne à l’énoncé le ton provocateur d’une revendication. Confirmant comme en (4a) l’ancrage temporel du procès V2, le V1 garde son accent propre5.

  • Coordination soudée

(5)

a.

R : Sovremennyj internet – èto istočnik novostej iz razrjada « odna baba skazala ». Sel i napisal, čto zaxotel. Nikto v glaza ne skažet, čto èto polnaja čepuxa. (NKRJa)

‘L'Internet d'aujourd'hui, c'est une source de nouvelles de l'ordre des "on dit". On se permet d’écrire tout [litt. ‘(on) s'est-assis et a-écrit’] ce qu’on veut. Personne ne viendra vous dire en face que c’est n’importe quoi.’

b.

GM : I perisoteri exun mavra mesanixta ja to ti simveni, milane θaris ke ðen exun kanena ikonomiko provlima, ke kaθome ki aporo « kala, mono sto ðiko mu spiti metrame mexri ke to 1 evro pu fevji ? ». (https://www.ischool.gr)

‘La plupart des gens sont totalement déconnectés des réalités, ils parlent comme s’ils n’avaient aucun problème d’argent et j’en viens vraiment à me demander [litt. ‘(je) suis-assis et m’étonne’] « Non mais, il n’y a que chez moi qu’on compte le moindre euro dépensé ? »’

Ces deux contextes commentant ce que chacun peut lire sur les réseaux sociaux ont une orientation entièrement rétrospective, ce qui prive le V1 de toute autonomie. Perdant son accent et étroitement soudé au V2 par l’intonation, il ne sert qu’à spécifier ce dernier et en infléchir le sens. En (5a), où le procès exprimé au passé perfectif est d’emblée présenté comme déjà effectif, l’évocation rétroactive du franchissement de sa borne initiale ne sert qu’à souligner sa facilité paradoxale : protégé derrière son écran, l'internaute n’hésite pas à diffuser des propos dont il s’abstiendrait dans une situation d’interlocution normale. La teneur de ces propos est dès lors disqualifiée, ‘écrire ce qu’on veut’ s’interprétant comme ‘écrire tout ce qu’il vous prend la lubie d’écrire’.

En (5b), face à l’indifférence et au discours insouciant de certains pendant la crise, le locuteur s’interroge en direct sur sa situation personnelle si différente. Le V1 ne souligne plus, comme en (4b), la concomitance problématique de deux états de choses, mais l’écart entre deux perceptions d’une même situation. Il infléchit par là-même l’acception ordinaire du V2 (‘ne pas pouvoir donner une explication logique’ / ‘dire son étonnement’) en expression rétrospective d’un sentiment de malaise et de désarroi devant le décalage entre les propos décrits et le vécu personnel du locuteur.

Il ressort de la comparaison de ces trois paires d’exemples que le moteur de la pseudo-coordination est, comme le suggérait Hopper (2008), d’abord discursif. En russe comme en grec moderne, c’est l’adoption d’un point de vue rétrospectif sur le procès exprimé par V2 qui conduit à n’interpréter V1 qu’en fonction de ce dernier et lui fait perdre tout ou partie de son autonomie référentielle. Les deux verbes formellement coordonnés ne désignent plus qu’un seul procès P, que leur combinaison invite à rapporter à une situation redéfinie comme un champ de forces contraires6 dont il constitue la résultante : fait inattendu ébranlant une conviction première (1), volonté de nuire déformant la réalité des faits (2), autorité de l’adulte faisant plier l’enfant (4a), manque d’enthousiasme freinant la reprise du travail (4b), goût du sensationnel l’emportant sur le contrôle de ce qu’on dit (5a), propos collectifs faisant s’interroger sur sa vision personnelle des choses (5b). Le degré d’intrication des deux verbes diffère suivant que le point de vue rétrospectif est seul dominant ou se superpose à un point de vue prospectif :

  • lorsque l’orientation est double (exemples (4a) et (4b)), le V1 a une valeur essentiellement rhétorique et garde son accent propre : la permanence de celui-ci signifie que le verbe construit un intervalle temporel localisant soit la phase initiale du procès P (passage à l’acte : (4a)), soit le procès tout entier (concomitance problématique : (4b)). Ce faisant, il focalise le V2 en opposant l’effectivité de P à sa possible non-actualisation, tout comme pourrait le faire un auxiliaire ou un marqueur discursif ;

  • lorsque l’orientation est purement rétrospective (exemples (5a) et (5b), mais aussi (1) et (2)), le V1 perd son accent et est étroitement soudé au V27. Il ne construit plus d’intervalle temporel, mais se réduit à une simple représentation infléchissant le sens du V2. On quitte alors le terrain de la grammaticalisation pour celui de la phraséologie : la façon dont les sémantiques respectives des deux verbes interfèrent entre elles fait émerger certaines associations privilégiées (attraction lexicale) dont l’interprétation reste par ailleurs dépendante du contexte.

Quel que soit le degré d’intrication des deux verbes, le premier ne devient jamais complètement « incolore », et les représentations qu’il véhicule jouent un rôle important dans l’interprétation du syntagme pseudo-coordonné. C’est cette dimension sémantique que nous nous proposons d’explorer dans la section suivante.

3. Étude comparée de deux types de V1

3.1. ‘Être assis’ / ‘s’asseoir’

3.1.1. Les verbes des deux langues : représentations mentales et variation sémantique

Le russe recourt à des verbes différents pour la position statique : sidet’ipf ‘être / rester assis’8 et l’adoption de celle-ci : sest’pf / sadit’sjaipf ‘s’asseoir’, alors que le grec moderne n’a qu’un seul verbe : kaθome ‘être assis / s’asseoir’, dont l’interprétation, satique ou dynamique, varie suivant la conjugaison (thème aspectuel imperfectif ou perfectif) et le contexte. Dans les deux langues, la référence à une posture physique concrète n’est qu’une des valeurs des verbes, celle qui s’impose par défaut avec un sujet humain et en l’absence d’autres déterminations. Leur sémantisme est en fait beaucoup plus large, ce qui explique qu’ils puissent également s’employer avec des sujets animés non humains (petits animaux, R et GM : ‘une abeille est posée (‘assise’) sur la fleur’) ou inanimés (R et GM : ‘la maison s’est tassée (‘assise’) ; R : ‘le clou est solidement planté (‘assis’) dans le mur’). Malgré leurs différences, ces verbes ont en commun de souligner l’immobilité ou l’immobilisation d’un sujet considéré par rapport à son environnement, avec parfois une valeur de repli sur soi ou d’enfermement physique ou mental, R et GM : ‘rester (‘être-assis’) chez soi’, ‘passer son temps (‘être assis’) sur Internet / derrière les écrans’, ‘être mis (‘s’asseoir’) derrière les barreaux’ ; GM : ‘il résiste’ (‘ne s’assied pas’).

Employés comme V1 d’un syntagme pseudo-coordonné, ces verbes ont toujours un sujet humain, qu’ils présentent comme « enfermé », volontairement ou non, dans le procès exprimé par le V2. L’interprétation qui en résulte dépend d’abord du degré d’intrication des deux verbes, et donc de l’orientation discursive.

3.1.2. Coordination intégrée 

Lorsque l’orientation est mixte, le V1 focalise le V2 en entérinant son ancrage temporel. Nous distinguerons les cas des procès bornés et non bornés.

3.1.2.1. Procès non bornés

Le V1 construit un intervalle ouvert ; le sujet est présenté comme « enfermé » dans le procès P à l’exclusion de tout autre, ce qui, suivant la nature du V2, permet de souligner soit sa concentration extrême (6), soit son manque d’empressement à aider (7) :

(6)

R : Esli ja uglubljajus’ v napisanie, to daže ne em, ne xožu nikuda, a prosto sižu i pišu celyj den’. (https://rubryka.com)

‘Si je me plonge dans l’écriture, je cesse même de manger, je ne vais nulle part, je reste simplement toute la journée à écrire.’ [litt. ‘mais simplement suis-assise et écris’]

(7)

GM : [Une femme à son mari]

O pasas kaθete ke vlepi tileorasi ke perimeni na majirepso, na sijiriso, ta panda. Etsi ine se mas : ta arsenika ðen kunane rupi ke ðen kserun na majirepsun ute ena avɣo ! (CMG)

‘Monsieur [litt. le pacha) reste collé devant sa télé [litt. ‘(il) est-assis et regarde télévision’], et il attend que je fasse la cuisine, le ménage, tout enfin. C’est comme ça chez nous : les mâles ne lèvent pas le petit doigt, ils ne savent même pas faire cuire un œuf !’

Avec un V2 exprimant l’inaction ou une perception, la construction souligne la passivité d’un sujet qui reste inhibé dans sa sphère au lieu de prendre les mesures qui s’imposent. Cela apparaît notamment dans des questions rhétoriques appelant le sujet à sortir de son attentisme (8) ou dans des tours modaux négatifs annonçant une intervention de sa part (9) :

(8)

GM : [Promotion d’une fonctionnalité d’iPhone] Ma ti kaθeste ke perimenete ? Afto borite na to kanete moni sas me to lokinfo ke akoma perisotera. (forum.iphonehellas.gr)

‘Mais pourquoi attendre comme ça [litt. ‘(vous) êtes-assis et attendez’]. Vous pouvez faire ça tout seuls avec lockinfo et bien plus (de fonctions) encore.’

(9)

R: Šaman ne mog prosto sidet’ i smotret’, kak golodajut ego ljudi.

‘Le chaman ne pouvait pas rester à ne rien faire et regarder [litt. ‘simplement être-assis et regarder’] son peuple mourir de faim.’ (Glosbe)

A l’impératif, la construction est utilisée pour enjoindre à l’interlocuteur de « rester à sa place » sans se mêler de ce qui ne le regarde pas :

(10)

R : [Réponse du rédacteur en chef d’une revue littéraire à une ancienne camarade d’université venue lui soumettre un manuscrit]

« Svetka, nu kuda ty suëš’sja so svoej babskoj prozoj ? U tebja est’ sem’ja, muž, sidi i vospityvaj rebënka ! » (NKRJa)

‘« Ma pauvre Sveta, mais qu’est-ce que t’espères avec ta prose de bonne femme ? T’as une famille, un mari, contente-toi d’élever ton gosse ! »’ [litt. ‘sois-assise et élève (ton) enfant’]

3.1.2.2. Procès bornés 

L’insistance sur le franchissement de la borne initiale du procès souligne le caractère contraint de celui-ci. Soit le sujet s’impose volontairement de revenir sur un procès accompli trop rapidement pour arriver à un résultat plus satisfaisant (11-12), soit il doit céder à une pression extérieure (4a) et (13) :

(11)

R : Ja snačala tože v″exat’ ne mog. Potom vnimatel’no_doma_odin_sel_i_posmo­trel_ot_načala_do_konca. Togda vsë ponjal i bukval’no vljubilsja v ètot mul’t. (NKRJa)

‘Moi non plus, au début je n’arrivais pas à entrer dedans. Ensuite en me concentrant, chez moi, seul, j’ai pris le temps de le regarder [litt. ‘(je) me suis-assis et ai-regardé’] du début à la fin. J’ai alors tout compris et suis littéralement tombé amoureux de ce dessin animé.’

(12)

GM : [À propos de pneus haute performance]

Afu jirisa, kaθisa ke ta kitaksa liɣo pjo prosektika. Ke epiveveoθikan i ipopsies mu. Pano tus exun ta diakritika M+S. (http://jimnyclub.gr)

‘Une fois rentré, j’ai pris la peine de les regarder [litt. ‘(je) me suis-assis et les ai-regardé’] un peu plus attentivement. Et mes doutes ont été levés. Ils portent bien la marque M+S’ (Mud & Snow).

(13)

R : [Une chanteuse en tournée à Prague reçoit un coup de téléphone le matin de la première]

‒ Sejčas za vami vyezžaet mašina, posol xočet s vami govorit’.

‒ Izvinite, no v den’ koncerta nikakimi delami zanimat’sja ne mogu…

No tem ne menee vy sjadete i priedete! (NKRJa)

‒ ‘Une voiture va venir vous chercher maintenant, l’ambassadeur veut vous parler.

‒ Excusez-moi, mais un jour de concert je ne peux m’occuper de rien d’autre…

Mais vous voudrez bien venir quand même !’ [litt. ‘mais néanmoins vous vous-assiérez et arriverez’]

En (13), où la valeur symbolique de soumission associée à sest’ ‘s’asseoirinf’ se superpose à l’emploi idiomatique de ce verbe au sens de ‘monter dans un véhicule’, on note que le V2 pri-exat’ ‘venirinf’ est formé avec un préverbe marquant l’arrivée, alors que dans une coordination canonique et prospective, la séquentialité aurait exigé un préverbe marquant le départ (po-exat’ ‘démarrerinf) : On sel v mašinu i poexal ‘Il est monté dans la voiture et a démarré’. On observe en effet que dans tous les syntagmes pseudo-coordonnés, l’adoption d’un point de vue partiellement ou totalement rétrospectif permet de présenter la borne initiale du procès comme indissociable de sa borne finale. C’est pourquoi, en contexte futur, cette construction est souvent utilisée dans des énoncés soulignant la rapidité d’un procès que le sujet s’imagine fini avant même d’avoir commencé :

(14)

R : [Légende d’un mème vidéo montrant un escargot qui peine à avancer]

Kogda dumaeš’ : « Vot sejčas sjadu i bystren’ko napišu kod… » (Facebook)

‘Quand on se dit : « Là, je vais coder mon programme vite fait… »’ [litt. ‘Voilà maintenant (je) m’assiérai et vite-fait écrirai code’]

3.1.3. Coordination soudée 

Lorsque l’orientation est rétrospective (ce qui inclut les contextes génériques faisant le bilan d’une expérience), l’accent n’est plus sur l’effectivité du procès, mais sur ses modalités. Le V1 infléchit le sens du V2 au sein de certaines combinaisons privilégiées dont l’interprétation dépend de la nature du V2 :

– si le V2 exprime un procès impliquant une activité mentale, celle-ci est présentée comme complexe, non linéaire, demandant la prise en compte de nombreux paramètres pour arriver au résultat voulu. Ainsi, c’est grâce au V1 que l’on comprend en (15) que le nom tekst, employé sans qualificatif, désigne un texte élaboré et cohérent et qu’en (16) le V2 sčitat’ ‘compter’, normalement réservé au dénombrement et aux opérations arithmétiques élémentaires, peut référer à l’évaluation d’une situation complexe :

(15)

R : [Sur l’utilité parfois contestée des études de lettres]

Esli ty po-nastojaščеmu naučiš’sja čitat’ i osmyslivat’, to ty ne propadëš’, ne ostaneš’sja sovsem bez raboty ‒ po krajnej mere ty smožeš’ sest’ i napisat’ tekst, i tebe za èto čto-to zaplatjat. (NKRJa)

‘Si tu apprends véritablement à lire en comprenant ce que tu lis, tu t’en sortiras toujours, tu ne resteras jamais complètement sans travail : tu sauras au moins rédiger un texte qui se tient [litt. ‘t’asseoir et écrire (un) texte’] et tu seras payé pour ça.’

(16)

R : [Le nouveau gouverneur de la région de Leningrad interrogé sur le projet ancien de rattachement de la ville de Saint-Pétersbourg à la région]

V ètom est’ kak i pljusy, tak i minusy, nužno prosto sest’ i posčitat’ ‒ zajavil Drozdenko. No « sidet’ i sčitat’ » on budet vsë-taki pozže. (NKRJa)

‒ ‘Il y des avantages et des inconvénients, il faut juste bien les évaluer

[litt. ‘s’asseoirpf et compterpf], a déclaré Drozdenko. Mais pour « bien les évaluer » [litt. ‘être-assisipf et compteripf] il devra quand même attendre.’

Avec un sujet pluriel, la complexité peut s’interpréter comme la nécessité de se concerter pour arriver à un résultat commun, comme en (17), où la rédaction d’une protestation collective vise à défendre une corporation qui se considère méprisée :

(17)

GM : [Première grève dans la Grèce insurgée : misère des imprimeurs des journaux]

Ki i tipoɣrafi emenan poles fores nistiki ke eɣongizan enandion ton ipefθinon. Etsi kapote exasan tin ipomoni tus ke kaθisan ke egrapsan mja ðiamartiria pros to vuleftiko soma, stis 6 Martiu tu 1826. (https://www.imerodromos.gr)

‘Et les imprimeurs restaient souvent le ventre vide et se plaignaient des responsables. Alors, ils ont fini par perdre patience et ils ont rédigé ensemble [litt. ‘(ils) se-sont-assis et ont-écrit’] une protestation adressée à la Chambre des représentants, le 6 mars 1826.’

– si le V2 désigne une activité procurant du plaisir, celle-ci est présentée comme addictive, le sujet ne pouvant plus s’arrêter :

(18)

GM: To na xasis kila ine siɣura poli ðiskolotero apo to na ta paris. Siniθos ja na paris kila, kaθese ke tros o,ti θelis. Ja na xasis, prepi na sinðiasis askisi me ðiatrofi. (https://www.e-daily.gr)

‘Perdre des kilos est certainement plus difficile que d’en prendre. En général, pour prendre des kilos tu te laisses aller à manger [litt. ‘(tu) es-assise et manges’] tout ce dont tu as envie. Pour perdre, il faut combiner activité physique et régime.’

(19)

R: Serialy, kotorye xočetsja sest’ i posmotret’ do konca… (titre, https://zen.yandex.ru/kinoculture)

‘Les séries qui vous tiennent en haleine [litt. ‘que l’on-a-envie (de) s’asseoir et regarder’]9 jusqu’au bout…’

– si le V2 désigne certains états psychologiques, la construction souligne l’intensité d’un sentiment (désarroi, rage impuissante, découragement) provoqué par des circonstances externes et dont le sujet reste comme prisonnier ; cf. (5b) et :

(20)

R : [Une institutrice à propos des nombreux enfants à problèmes de sa classe : mal élevés, menteurs, incapables de concentration, etc.]

Mne ètix detej prosto žalko. Sižu i zljus’ na naš vzroslyj mir : do kakogo sostojanija doveli čelovečeskix detënyšej ! (NKRJa)

‘Ces enfants me font simplement pitié. J’en veux terriblement [litt. ‘Suis-assise et suis-en-colère’] à notre monde adulte : à quel état a-t-on réduit ces petits d’hommes !’ 

(21)

R: Byvajut takie dni, kodga prosto sel i zaplakal. (https://ok.ru/agenda ; citation virale)

‘Il y a des jours à se flinguer.’ [litt. ‘quand simplement (on) s’est-assis et a-pleuré’]

Cette ressemblance générale n’empêche pas des divergences entre les deux langues. Certaines sont attribuables à la variation sémantique du V1. Ainsi, l’emploi idiomatique du russe sest’ pour ‘monter dans un véhicule’ déjà évoqué à propos de (13), a permis l’émergence de l’expression sel i poexal (litt. ‘s’est-assis et est-parti-en-roulant’] pour souligner la facilité à s’approprier un nouvel instrument ou un nouveau savoir-faire (voir fr. Ça roule !) :

(22)

R : [Caractérisation d’une tronçonneuse grand public]

Nikakix special’nyx znanij ‒ “sel i poexal”. (NKRJa)

‘Pas besoin de connaissances spéciales, la prise en main est immédiate.’

Dans d’autres cas, c’est la différence sémantique entre les relateurs I et KE mise en évidence dans notre article déjà mentionné qui est en jeu, notamment avec les verbes d’attitude propositionnelle introduisant un jugement sur une situation. En russe, on a un retour rétrospectif remettant en cause une conviction première (exemple (1)), alors qu’en grec on exprime l’aboutissement d’une prise de conscience qui n’était qu’amorcée :

(23)

GM : Otan vlepo jineka oðiɣo leoforiu, kaθome ke skeftome poso brosta exume proxorisi ola afta ta xronia san kinonia, xoris tabu ke anoites prokatalipsis. (https://www.poly-gelio.gr)

‘Lorsque je vois une femme chauffeur de bus, je réalise vraiment [litt. ‘(je) suis-assis et pense’] le chemin que nous avons fait au fil des ans en tant que société, sans tabous ni préjugés stupides.’

D’une façon générale, on constate en effet que le marqueur discursif I tend à induire une opposition binaire, alors que KE induit une opposition quantitative graduelle.

3.2. ‘Prendre’ (R : vzjat’pf/brat’ipf ) et ‘saisir’ (GM : piano)

3.2.1. Présentation des verbes

Il s’agit de verbes initialement transitifs et agentifs décrivant une situation où un sujet intègre dans la sphère qu’il contrôle un terme X qui en était jusque-là absent. Lorsqu’ils forment le V1 d’un syntagme pseudo-coordonné, ils perdent leur objet, leur sujet n’étant plus mis en relation avec une entité n’appartenant pas à son espace immédiat, mais avec un procès V2 ne faisant pas partie de ce qu’il semblait a priori susceptible de faire. Lorsque le syntagme est soudé, ils perdent également, comme nous le verrons, une partie de leur agentivité.

Au-delà de ce noyau commun, leurs sémantiques respectives restent assez différentes, ce qui a une incidence directe sur leur fonctionnement comme V1, extrêmement productif pour les verbes russes, qui, au moins dans les syntagmes soudés, apparaissent avec tout type de V2 et tout type de sujet, plus limité pour le verbe grec qui ne se combine qu’avec des V2 transitifs, directs ou indirects, le sujet devant par ailleurs être animé10. Nous les examinerons donc séparément.

3.2.2. R : Vzjat’pf / brat’ipf ‘prendre’

Les verbes de ce couple aspectuel supplétif ne donnent aucune indication sur les modalités mêmes du procès, mais ont certains emplois mettant l’accent sur sa borne initiale : leur forme réflexive peut exprimer un passage à l’acte (vzjat’sja za delo, litt. ‘prendre-refl à affaire’ → ‘s'attaquer à une affaire’, ‘prendre les choses en mains’), et ils entrent dans des expressions qui soulignent que le procès a été sélectionné par le sujet dans un paradigme de possibles (vzjat’ vlevo / prjamo : ‘prendre à gauche / tout droit’), et ce, selon des critères qui relèvent de son libre arbitre (vzjat’ v kačestve primera / gipotezy ‘prendre comme exemple / hypothèse’). C’est cette composante qui est exploitée dans les syntagmes pseudo-coordonnés.

En coordination intégrée, le V1 garde son accent propre lorsque le point de vue sur le procès est double, comme en (24) et (25) :

(24)

[Intervention du représentant de la Russie au Conseil de Sécurité de l’ONU à propos de la situation en Ossétie du Sud]

Čto my/ razbombili aa televizionnuju vyšku v Tbilisi ? Net. A vot NATO v odni iz pervyx dnej vojny vzjalo i razbombilo televizionnuju vyšku v Belgrade. (NKRJa)

‘Est-ce que nous avons bombardé la tour de télévision de Tbilissi ? Non. Alors que l’OTAN dans les premiers jours de la guerre ne s’était pas gênée pour bombarder [litt. ‘a-pris et a-bombardé’] la tour de télévision de Belgrade.’

(25)

[Alexeï Navalny présentant la vidéo montrant « le palais de Poutine »]

Vse govorili, čto snjat’ èto nevozmožno. Nu my sami tak dumali, a potom vzjali i poprobovali. Ne polučilos’. Poprobovali eščë. Sdelali četyre popytki, no polučilos’ tol’ko odnaždy. (https://palace.navalny.com)

‘Tout le monde disait que c’était impossible à filmer. En fait, nous le pensions nous-mêmes, et puis on a quand même tenté le coup [litt. ‘on-a-pris et on-a-essayé’]. Ça n’a pas marché. On a réessayé. On a fait quatre tentatives, mais une seule a réussi.’

Tout comme le faisait le V1 ‘s’asseoir’, également télique, dans les syntagmes intégrés (4a, 11, 13), le V1 ‘prendre’ sert ici à souligner l’effectivité d’un passage à l’acte qui aurait pu ne pas avoir lieu. Mais alors que ‘s’asseoir’ présentait ce passage comme résultant d’une pression extérieure ou d’un effort du sujet sur lui-même, ‘prendre’ souligne au contraire la libre manifestation de la volonté du sujet, qui ne se laisse arrêter par aucun frein moral (24), ni aucun obstacle (25).

Cette différence se retrouve dans les énoncés injonctifs, où le syntagme intégré, quel que soit le V1, appelle le destinataire à surmonter sa réticence à réaliser le procès. Mais alors qu’avec ‘s’asseoir’ (13), le locuteur donne un ordre auquel son interlocuteur doit se plier sans discuter, avec ‘prendre’ (26), il ne fait que l’exhorter à reconsidérer sa position tout en respectant son choix final :

(26)

Čelovek toropitsja, voz’mi i propusti ego(ulpressa.ru)

‘Le type est pressé, laisse-le donc passer…’ [litt. ‘Prends et laisse-passer lui’] ( = Fais un geste !)

C’est encore la détermination du sujet qui est soulignée à la première personne du présent perfectif :

(27)

Ja tože objazatel’no kem-nibud’ stanu. Vot voz’mu i pojdu osen’ju v texnikum. Čestnoe slovo, pojdu. (NKRJa)

‘Moi aussi, je deviendrai quelqu’un, je te le garantis. Je vais aller [litt. ‘Voilà (je) prendrai et irai’] dans une école professionnelle à la rentrée. Parole d’honneur, je vais y aller.’

Dans la mesure où en coordination intégrée le V1 vzjat’pf / brat’ipf souligne toujours le caractère délibéré d’un passage à l’acte, il ne peut s’y combiner qu’avec des V2 agentifs et des sujets animés.

En coordination soudée, ces restrictions tombent, le V2 pouvant alors être agentif ou non agentif et le sujet animé ou inanimé11. En effet, l’orientation purement rétrospective empêche de distinguer une phase décisionnelle initiale où le sujet aurait librement choisi de s’engager dans un procès problématique. Privé d’autonomie, le V1 ne fait que souligner le caractère inopiné de ce procès en le rapportant à une situation où il n’a été précédé d’aucun signe avant-coureur :

(28)

[Un juré d’assises explique pourquoi il considère peu crédible le témoignage selon lequel l’accusé aurait menacé la victime avant de la frapper]

Čto kasaetsja mal’čika. Nu vy pojmite/ on kavkazec ! Èto sovsem drugie ljudi. Ja byl na Kavkaze po službe neskol’ko raz i… znaju ètix ljudej. Ne budet on kričat’/ « Ja ub’ju tebja ! »/ prosto voz’mët i ub’ët. (NKRJa)

‘Concernant le garçon : il faut que vous compreniez que c’est un Caucasien ! Ce sont des gens tout à fait différents. J’ai été plusieurs fois au Caucase pour le travail et… je connais ces gens. Il n’ira pas crier « Je vais te tuer ! », il tuera directement.’ [litt. ‘simplement (il) prendra et tuera’]

(29)

[Lors d’un trajet en voiture au moment du dégel, le narrateur aperçoit une pelleteuse de chantier toute neuve abandonnée sur un petit îlot de 3 m2 au milieu d’un lac]

Javno po l’du zaexal, a lëd vzjal i rastajal. Teper’ ili most stroit’, ili parom. http://www.vysokovskiy.ru:anekdot/rastayal

‘Très clairement, elle était arrivée là en roulant sur la glace, et puis la glace avait fondu d’un coup [litt. ‘et/mais (la) glace a-pris et a-fondu’]. Maintenant, il n’y avait plus qu’à construire un pont ou prendre le bac.’

La neutralisation de toute phase initiale de choix permet également de souligner que, bien qu’inattendu pour les protagonistes de la situation, le procès était en fait prédéterminé par une force s’imposant au sujet sans qu’il en ait le contrôle : rigidité des schémas culturels censés dicter le comportement des Caucasiens en (28), lois de la physique faisant fondre la glace dès que la température remonte en (29). C’est pourquoi même lorsque le sujet est animé, son agentivité apparaît réduite. Ainsi, le procès est souvent présenté comme dû à une impulsion irraisonnée que le sujet ne s’explique pas lui-même (30) ou à une fatalité confirmée par les statistiques (31) :

(30)

Sovral ja. Točno/ sovral.

Začem ?

Da sam ne znaju. Daj/ dumaju/ sovru. Vzbrelo v golovu/ vzjal i sovral. A začem/ nikomu ne izvestno. (NKRJa)

‒ ‘J’ai menti, en fait. C’est vrai, j’ai menti.

‒ Dans quel but ?

‒ Ben je ne sais pas moi-même. Et si je mentais ? que je me suis dit. Ça m’est passé par la tête, j’ai menti comme ça [litt. ‘(j’)ai-pris et ai-menti’]. Et pourquoi, nul ne le sait.’

(31)

Statistika eë podtverždaet. Každaja tret’ja moskovskaja bračnaja para berët i razvoditsja. V srednem, na poltory tysjači eženedel’nyx svadeb prixoditsja pjat’sot razvodov12.

‘Les statistiques le confirment. Un couple marié moscovite sur trois est amené à divorcer [litt. ‘prend et divorce’]. En moyenne, pour 1500 mariages par semaine, on compte 500 divorces.’

Enfin, il est à noter que le point de vue strictement rétrospectif adopté sur le procès infléchit l’interprétation des formes aspecto-modales a priori prospectives, comme le présent perfectif ou l’impératif. En syntagme soudé, ces formes ne peuvent plus exprimer, comme en (26) et (27), une décision ou une exhortation assumées par le locuteur, mais marquent toujours une rupture avec la situation d’énonciation. Le présent perfectif construit une situation fictive, comme en (32) où le locuteur imagine déjà réalisée une des options qui s’offrent à lui :

(32)

[Un an après leur rencontre, le narrateur prend peu à peu ses habitudes chez sa petite amie, tout en étant conscient qu’ils ont en fait peu de choses en commun]

Nu xorošo, dumal ja, voz’mu i ženjus’. Ženjus’ iz čuvstva dolga. Dopustim, vsë budet xorošo. Pričëm dlja oboix. Po suti dela, my uže ženaty, i vsë idët normal’no […]. (NKRJa)

‘Très bien, pensais-je, mettons que je me marie [litt. ‘(je) prendrai et me-marierai’]. Que je le fasse par devoir. Admettons que tout aille bien. Pour tous les deux, qui plus est. Dans le fond, on vit déjà comme si on était mariés et tout se passe sans problèmes […].’

Quant à l’impératif, il réfère à des procès révolus présentés comme à la fois inopinés et regrettables13, comme en (33), où la construction soudée à l’impératif souligne le caractère inéluctable d’un événement attribué à la fatalité et considéré du point de vue des conséquences néfastes qu’il a eues sur le destin du locuteur :

(33)

Za čto vyslali ?

Da pod Kazan’ju rabotal/ na lesozavode. A zavod voz’mi i sgori. Nu/ i NKVD tut kak tut. Spasibo eščë/ čto… tak. (NKRJa)

‒ ‘Quel est le motif de votre relégation ?

‒ Ben je travaillais près de Kazan, dans une scierie. Et puis il a fallu qu’elle aille brûler [litt. ‘Et/mais (la) scierie prendsimp et brûleimp’]. Alors bien sûr, le NKVD a tout de suite rappliqué. Je peux encore m’estimer heureux que ça se soit terminé comme ça.’

3.2.3. GM : piano ‘saisir’

Ce verbe de formation relativement récente (post-classique) est lié aux notions de ‘serrer, presser, tenir fermement’, et à la représentation d’un geste d’atteinte et de prise en main d’un objet visé. Si en pseudo-coordination piano ne peut être employé qu’avec un sujet animé et un V2 transitif, lorsqu’il est seul il peut aussi se rencontrer avec un sujet inanimé dans des structures existentielles comme epiase fotia ‘un incendie s’est déclaré’ [litt. ‘a-pris feu’], soulignant l’aspect inopiné de l’événement. Dans son emploi transitif, piano désigne des procès dynamiques de type achèvement impliquant conceptuellement une borne droite finale. En syntagme pseudo-coordonné, cette propriété est transférée, à travers le point de vue de l’énonciateur, sur le V2 dont l’objet est affecté dans sa totalité.

En coordination intégrée, le V1 sert de point d’appui ou de force causale au procès dont l’orientation est double : entreprendre une action lui conférant une visibilité dans son déroulement (orientation prospective), action censée dénouer une difficulté préalable et offrir une solution appropriée et efficace à une situation bloquée (orientation rétrospective). Dans tous les exemples relevant de ce cas, la relation [V1 KE V2] garde son caractère séquentiel, chaque verbe étant accentué séparément.

Dans les premiers emplois de ce type attestés en poésie populaire, l’inventaire des V2 est limité à quelques verbes entrant dans des constructions stéréotypées, comme ‘bâtir’14 sur fond d’adversité. Ainsi, en (34), le V1 souligne le courage des maçons affrontant collectivement la malédiction :

(34)

[Légendaire ballade du pont d’Arta, « toute la journée pour construire le pont qui s’effondre chaque nuit »]

Pianun ke xtizun oli tus, mastori, maθitaðes, prosefxonde ki elpizune jofiri na steriosi. (http://anamesastoustoixous.blogspot.com)

Ils ne renoncent pas et reprennent tous leur ouvrage [litt. ‘(ils) saisissent et bâtissent’], maîtres et apprentis, ils prient et ils espèrent que le pont tiendra.’

Un autre emploi en prose contemporaine est illustré par cette remarquable traduction d’un passage d’Hérodote, décrivant la mise à exécution d’un plan déjà arrêté :

(35)

[Cambyse avait demandé en mariage la fille d’Amasis qui ne souhaitait pas la lui donner. Après mûre réflexion, Amasis choisit de substituer à sa fille une jeune princesse de sa cour]

Piani lipon ke stolizi afti tin kopela o Amasis me foremata ke xrisafika ke ti stelni stus Perses, ðiθen oti ine kori tu. (https://www.greek-language.gr

‘Amasis entreprend donc de revêtir [litt. ‘(il) saisit donc et pare’] cette jeune femme d’une étoffe d’or, et l’envoie aux Perses, comme si elle eût été sa fille.’

En emploi injonctif, le locuteur essaie de persuader l’interlocuteur réticent de surmonter son hésitation et de sortir d’une situation qui l’inhibe :

(36)

[À une adolescente affectée par la découverte de l’infidélité de sa mère vis-à-vis de son père]

Piase ke milise sti mitera su, ðiskolo-efkolo prepi na to tolmisis. Akuse ti exi na su pi ke meta vɣazis porizma. (https://www.sxeseis.gr)

Vas-y, parle [litt. ‘saisis et parle’] à ta mère, même si c’est difficile, il ne faut pas hésiter. Écoute ce qu’elle a à te dire et après tu décides.’

Un cas intermédiaire entre pseudo-coordination verbale et propositionnelle est celui de la construction très productive [TI (‘quoi’) 3SGACC V1 KE V2] ‘Qu’est-ce qu’il lui a pris ?’ avec piano précédé d’un argument (accusatif) pronominal clitique coréférent du sujet du V2, ce qui permet de réduire l’agentivité de celui-ci. Elle s’interprète comme une interrogation rhétorique par laquelle le locuteur revient sur un fait déjà acquis pour regretter les circonstances qui y ont conduit :

(37)

[Jugement sur une mère qui semble peu douée pour ce rôle]

Tora ti tin epiase ke pije ki ejine mana, o θeos ki i psixi tis. (https://www.skroutz.gr)

‘Maintenant qu’est-ce qu’il lui a pris de vouloir [litt. ‘quoi l’a-saisi et (elle) est-allée’] devenir mère, Dieu seul le sait.’

Lorsque l’orientation est entièrement rétrospective, on a une coordination soudée où toute forme de séquentialité entre V1 et V2 disparaît. Les représentations produites s’inscrivent toutes dans des champs de force diversement construits. Même si les V2 sont en eux-mêmes agentifs, leur association à piano réduit leur degré de contrôle sur le procès. Le point de vue est ici celui d’un observateur extérieur décrivant une agression qui suit un scénario prédéterminé par la nature du sujet (animaux prédateurs, emballement de la foule) ou de sa relation à l’objet (riposte programmée d’Amazon) : 

(38)

I araxnes pianun ke trone kaθe iðus belaðes, opos ta kunupia ala mas lene ke ti θermokrasia. (https://www.votanistas.com)

‘Les araignées s’attaquent à [litt. ‘saisissent et mangent’] toutes sortes de nuisibles, tels les moustiques, en plus elles nous disent la température.’

(39)

[Titre de journal : Lynchage public]

Ikones sok me polites na pianun ke na xtipun aneleita ðiarikti. (https://www.gazzetta.gr)

‘Images choc avec des citoyens passant à tabac’ [litt. ‘saisissent/attrapent et frappent’] un cambrioleur.

(40)

Ean ðjavazete ke meta epistrefete ta vivlia ja epistrofi xrimaton, telika i Amazon θa piasi ke θa anastili ton loɣariazmo sas. Min kanete kataxrisi tu sistimatos. (https://www.thefastcode.com)

‘Si vous lisez les livres et qu’ensuite vous les retournez pour vous faire rembourser, Amazon va finir par suspendre [litt. ‘saisira et suspendra’] votre compte. N’abusez pas du système.’

Enfin, la construction soudée, associée à une détermination qualitative ou quantitative de l’objet, peut permettre au locuteur d’exprimer son étonnement rétrospectif devant l’impulsion qui a conduit le sujet à réaliser un procès présenté comme irréfléchi (43) ou d’une ampleur disproportionnée (41, 42) :

(41)

Epiase ki eðose tin kali tin tsanda.

‘Elle est vraiment allée donner le beau sac à n’importe qui…’ [litt. ‘a-saisi et a-donné’]

(42)

Epiase ki eskapse monos tu olo to xorafi.

Il a bêché [litt. ‘a-saisi et a-creusé’] seul tout le champ !’

(43)

Epiase ki siðerose ola ta pukamisa.

Elle a repassé [litt. ‘a-saisi et a-repassé’] toutes les chemises !’

4. Conclusion

Nous espérons avoir réussi à montrer que les constructions pseudo-coordonnées, souvent traitées en termes de grammaticalisation ou assimilées à des figures de style, constituent en fait un moule pour former des syntagmes au statut hybride, à la fois partiellement lexicalisés et étroitement dépendants du contexte pragmatique. Deux niveaux de figement, intégré et soudé, ont été distingués en fonction de l’orientation discursive, mixte ou totalement rétrospective.

Quel que soit le niveau d’intrication des deux verbes, le premier ne devient jamais totalement incolore mais reste porteur de représentations mentales partagées. C’est cette capacité à les mobiliser qui explique que les constructions pseudo-coordonnées prolifèrent dans les discours teintés de subjectivité : oral familier, échanges sur Internet ou posts Instagram, poésie populaire ou chansons, même si elles sont également présentes dans d’autres genres textuels et des registres plus soutenus.

Bibliographie

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NKRJa – Russian National Corpus. https://ruscorpora.ru/new/

Text Corpora, Portal for the Greek language. www.greek-language.gr/
greekLang/modern_greek/tools/corpora/index.html

Notes

1 Les caractères gras signalent d’une part le segment de l’énoncé russe ou grec dont nous donnons la traduction littérale, d’autre part l’ensemble des termes de la traduction française, contigus ou non, utilisés pour en rendre le sens le plus fidèlement possible. Retour au texte

2 À l’exploration systématique des corpus nationaux du russe (NKRJa) et du grec moderne (HNC, CMG), nous avons ajouté des exemples trouvés lors de nos lectures dans la littérature, la presse, Internet et les réseaux sociaux. Retour au texte

3 Sur DA, voir Camus, 1994. Retour au texte

4 Voir Delveroudi, 1994, pour une analyse incluant plusieurs de ces V1, dans une optique proche de la nôtre ; sur les constructions pseudo-coordonnées avec kaθome (‘être assis / s’asseoir’) en V1, voir l’étude détaillée de Svorou (2018), dont certaines remarques rejoignent les nôtres, bien que nos approches diffèrent sur nombre de points. Sur KE en général, voir Canakis, 1995. Retour au texte

5 Conformément à ce que suggère Kuteva (1999), on pourrait dire que le V1 de posture statique confère au procès une valeur progressive, à condition de ne pas réduire celle-ci à sa seule composante cursive déjà marquée par le thème aspectuel du V2. Comme cela a été déjà relevé pour de nombreuses langues, les formes progressives expriment souvent une qualification contrastive du procès. Retour au texte

6 Nous nous inspirons du modèle cognitif de « dynamique des forces » proposé par Talmy (1988) pour décrire tant la modalité que certains des procédés utilisés pour guider l’attente discursive. Retour au texte

7 Outre l’impossibilité de pause, on n’a plus qu’un seul mouvement tonal commençant par une montée sur la syllabe tonique du V1 et s’achevant par une chute sur le V2. Retour au texte

8 Voir Burlot (2014) pour l’analyse des emplois, y compris grammaticalisés, de ce verbe. Retour au texte

9 Noter l’antéposition du relatif complément du V2 au groupe pseudo-coordonné. Retour au texte

10 En GM l’emploi en pseudo-coordination (V1) du verbe perno ‘prendre’, qui a un sémantisme plus proche de celui du verbe russe que piano, relève d’un registre perçu comme plutôt littéraire, ce qui explique notre choix de piano. Retour au texte

11 I. Kor Chahine (2007) relie elle aussi perte d’agentivité et degré de figement du syntagme. Toutefois, les deux stades de grammaticalisation qu’elle postule ne correspondent pas à notre distinction entre coordination intégrée et soudée, puisqu’elle limite le second stade aux emplois à l’impératif de narration, qui ne sont pour nous qu’un cas particulier de coordination soudée, illustré en (33). Retour au texte

12 Exemple repris de Weiss (2008), qui commente l’emploi de l’imperfectif, mais pas le rôle du V1, soulignant ici le caractère inéluctable d’une issue malheureuse due, comme l’explique la suite du texte, à la nature même des couples actuels. Retour au texte

13 Il s’agit de la valeur dite d’« impératif de narration » qui existe également en dehors des syntagmes pseudo-coordonnés (voir notamment Fortuin 2001, p. 142-161). Retour au texte

14 Voir Seiler (1952), qui est le premier à avoir cité ce type d’exemple. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Christine Bonnot et Sophie Vassilaki, « Entre phraséologie et conditionnement contextuel : le cas des constructions pseudo-coordonnées en russe et en grec moderne », Lexique, 29 | -1, 191-210.

Référence électronique

Christine Bonnot et Sophie Vassilaki, « Entre phraséologie et conditionnement contextuel : le cas des constructions pseudo-coordonnées en russe et en grec moderne », Lexique [En ligne], 29 | 2021, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 17 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/lexique/174

Auteurs

Christine Bonnot

INaLCO, UMR8202, SeDyL, CNRS, IRD135, Paris
bonnotch1@aol.com

Sophie Vassilaki

INaLCO, UMR8202, SeDyL, CNRS, IRD135, Paris
sophie.vassilaki@inalco.fr

Droits d'auteur

CC BY