Les « actes de langage stéréotypés » avec dire

DOI : 10.54563/lexique.110

p. 57-74

Résumés

This paper presents an analysis of the “stereotypical speech acts” (ALS), phraseological units which quantitatively and qualitatively have an important, although still underestimated, place among pragmatic phraseologisms. ALS are characterized by their utterance status, their non-compositionality and their pragmatic function comparable to a speech act. We aim to explore the very numerous ALS built in French from the forms of the verb dire, i.e., je te dis pas, tu l’as dit, on dit ça, tu m’en diras tant. We focus on two important points. On the one hand, the fact that the ALS is a speech act, which we submit to a critical analysis. On the other hand, their (non)-compositionality, which allows us to identify 3 types of ALS, also based on their pragmatic function. The numerous examples in this paper are based on an electronic corpus of literary bi-texts (60 million words).

Nous analysons ici les « actes de langage stéréotypés » (ALS), unités phraséologiques qui ont quantitativement et qualitativement une place importante, quoique encore sous-estimée, parmi les phraséologismes pragmatiques. Les ALS sont caractérisés par leur statut d’énoncé, leur non-compositionnalité et leur fonction pragmatique assimilable à un acte de langage. Il s’agit d’explorer tout particulièrement les très nombreux ALS formés en français à partir des formes du verbe dire, par exemple je te dis pas, tu l’as dit, on dit ça, tu m’en diras tant. Nous examinons tout particulièrement deux points importants. D’une part le fait que les ALS constituent un acte de langage, ce que nous soumettons à une analyse critique. D’autre part leur (non)-compositionnalité, qui, en lien avec leur fonction pragmatique, nous permet de dégager 3 types d’ALS. Nous nous basons sur un important corpus électronique de bi-textes littéraires français et allemands (60 millions de mots) dont nous extrayons de nombreux exemples en contexte.

Plan

Notes de la rédaction

Received: March 2021 / Accepted: July 2021
Published online: December 2021

Texte

1. Remarques liminaires : définitions, objet et cadre théorique

Les « actes de langage stéréotypés » (dorénavant ALS) font partie des phraséologismes pragmatiques, autrement dit des phraséologismes1 qui ne servent pas essentiellement à référer à quelque chose, à dénoter une personne, une qualité, un procès, etc. Leur fonction principale se situe au niveau de la communication et du discours. Par manque de place, nous ne reviendrons pas sur les nombreuses appellations fort différentes désignant les phraséologismes pragmatiques2, ni sur les critères des différentes catégories de phraséologismes pragmatiques, les deux principales étant à notre avis les formules conversationnelles et les pragmatèmes3. Nous nous consacrerons à une troisième catégorie de phraséologismes pragmatiques, les ALS, encore peu explorée, mais très prometteuse, aussi bien quantitativement que qualitativement : un premier recensement des ALS dans le cadre d’un projet de dictionnaire bilingue et contextuel des ALS en cours à l’ATILF permet d’en compter plus de 450 en français, autant en allemand, et il est loin d’être exhaustif. On peut définir ces ALS par trois critères à trois niveaux : leur statut d’énoncé, leur idiomaticité sémantique (ou non-compositionnalité) et leur fonction pragmatique (pour des détails, voir Kauffer, 2018a et 2019a, section 2). Au niveau discursif, un ALS peut être un énoncé à part entière, à savoir une unité de communication employée dans un certain contexte. Au niveau sémantique, l’ALS est une expression plus ou moins fortement idiomatisée, dont le sens n’est pas uniquement la somme du sens de ses composants. L’exemple (1) montre que l’ALS ben voyons est bien un énoncé et que son sens est difficilement déductible des sens de ben et de voyons : il n’exprime nullement une ‘incitation à voir quelque chose’.

(1)

— Vous en faites pas, c’est pas bien grave pour vous, quand ils sauront que vous n’êtes pas juifs, ils vont vous relâcher.

Ben voyons, murmure Maurice. (Joffo, 1973, p. 167)

En fait, ben voyons exprime ici l’‘incrédulité’, le ‘scepticisme’ du locuteur. Donc, au niveau pragmatique4, l’ALS est bien assimilable à un acte de langage, avec une valeur illocutoire, et permet de dire quelque chose, mais aussi d’agir, de marquer un acte. Comme il est souvent employé dans le cadre d’un dialogue, il change la relation entre les interlocuteurs. Sa fonction pragmatique peut d’ailleurs être très variée : 'approbation', 'contestation', 'menace', 'minimisation', etc.

Nous explorerons deux aspects essentiels des ALS5, qui constitueront les deux grandes parties de notre contribution : leur nature d’acte de langage et leur compositionnalité en relation avec leur fonction pragmatique. Nous nous concentrerons pour cela sur les ALS comprenant le verbe dire sous ses différentes formes, par exemple tu l’as dit, tu m’en diras tant, il faut le dire vite. Cela exclut les locutions avec dire qui ne sont pas des ALS : par exemple autrement dit, c’est-à-dire, il faut vous dire que etc. ne peuvent être des énoncés ni exprimer un acte de langage, bien faire et laisser dire, qui ne dit mot consent sont des proverbes et non des phraséologismes pragmatiques. Notre réflexion et nos exemples sont basés sur un important corpus électronique de « bi-textes » (textes et leurs traductions) littéraires (60 millions de mots) constitué dans le cadre de l’élaboration à l’ATILF (Nancy) d’un dictionnaire contextuel et bilingue (français / allemand) des ALS.

Nous présenterons tout d’abord le cadre théorique sous-jacent à notre analyse. Il est constitué par la théorie globale des phraséologismes de Burger (2010), par les publications d’Austin (1970), Searle (1979) et Vanderveken (1988) sur la théorie des actes de langage et par les publications de Polguère (2015) et Dostie (2004) sur l’approche de la compositionnalité et de la pragmaticalisation. Fort importantes pour notre réflexion ont également été certaines publications sur le verbe dire6 et sur les locutions avec dire. L’article de Franckel (1998) qui « vise à dégager ce qui est propre à fonder l’unité du verbe dire en français à travers la diversité de ses emplois et de ses constructions », à travers le prisme de la sémantique lexicale, et qui différencie le « dire » et le « vouloir dire » ; celui d’Anscombre (2015) analyse les « verbes de parole » et les « verbes de dire ». Parmi les articles sur les locutions ou les marqueurs discursifs avec dire, nous retiendrons celui de Marque-Pucheu (2010) avec une approche lexicographique qui explore aussi les « expressions situationnelles » proches des ALS, et également l’ouvrage de Khatchatourian (2006) qui analyse les « mots du discours » avec dire, en particulier disons et pour ainsi dire, et plus globalement la sémantique de dire. Voir aussi Gomez-Jordana et Anscombre (2015) sur les marqueurs avec dire. Les articles de Perrin (2016, 2019) sont fort intéressants, car il y analyse de près les « formules énonciatives » avec dire7 en contexte et leur « effets d’intensification », et en dégage 3 catégories selon leur fonction pragmatique. Péroz (2013, p. 258) oppose une « approche unitaire » des différents emplois et expressions du verbe dire et une autre démarche où, « pour expliquer leurs fonctions [= celles des expressions avec dire] essentiellement pragmatiques, il n’est pas nécessaire de les rattacher aux caractéristiques sémantiques ou syntaxiques du verbe souche [= dire] ». L’article de Rouanne (2015) est également passionnant, car elle analyse avec précision les différentes caractéristiques syntaxiques, sémantiques et pragmatiques d’un groupe de marqueurs proches des ALS, ceux en c’est (X) dire, qu’elle considère comme des « marqueurs d’attitude énonciative ».

2. Les ALS : des actes de langage

2.1. Actes de langage et difficultés théoriques

La première caractéristique des ALS que nous aimerions explorer est celle, essentielle, qui fait que ce sont bel et bien des actes de langage. Nous analyserons tout d’abord brièvement les problèmes théoriques que pose cette notion d’acte de langage dans le cadre de l’analyse des ALS, puis examinerons de plus près les ALS en dire8.

Nous avons exposé dans la partie précédente que chaque ALS a une fonction pragmatique ('approuver', 'refuser', 'menacer', 'minimiser', exprimer le 'scepticisme', 'l’indignation', etc.) que l’on peut assimiler à un acte de langage au sens large9. La valeur illocutoire de l’ALS peut certes être décrite de façon intéressante par les théories existantes des actes de langage, en particulier celles d’Austin et Searle10, mais ces dernières soulèvent presque autant de difficultés qu’elles n’en résolvent.

La première difficulté est de nature taxinomique. Nous avons déjà montré11, en prenant l’exemple de l’acte de langage de la menace, que ni la typologie des classes d’actes illocutoires d’Austin (1970) ni celle de Searle (1979) ne permettent toujours d’intégrer un acte de langage donné dans des classifications qui sont certes larges, mais non dépourvues d’ambiguïtés ni de contradictions. En outre, Austin analyse les actes à partir des verbes qui les décrivent, ce qui pose le problème de la description des actes de langage ne comprenant pas de verbes : à d’autres, la belle affaire, à nous deux, etc.

La deuxième difficulté est celle de la définition précise d’un acte de langage, qui est parfois délicate. Si, par exemple, l’on peut arriver à recenser intuitivement une trentaine d’ALS pouvant exprimer la 'menace' (Kauffer, 2018c, p. 147), par exemple à nous deux, attends voir, tu vas voir ce que tu vas voir, tu ne perds rien pour attendre, etc., c’est une autre affaire que de définir rigoureusement en quoi consiste l’acte de langage de la 'menace'. Il s’avère que celui-ci revêt en fait trois aspects : une dimension prospective, une dimension négative et une dimension affective (pour des détails, voir Kauffer, 2018c, p. 149 et sq). Mais ce n’est que grâce à un grand nombre d’occurrences d’ALS avec leur contexte discursif, tirées de corpus textuels authentiques, que l’on peut dégager ces dimensions.

La troisième difficulté est celle de la délimitation d’un acte de langage : délimitation par rapport aux actes de langage qui lui sont proches, mais également par rapport à d’autres fonctions pragmatiques qui s’ajoutent à lui pour former l’ALS dans son ensemble. Par exemple pour l’acte de langage de la 'menace', se posent plusieurs problèmes : d’abord sa proximité pragmatique avec l’acte de langage de l’'avertissement' (voir notre réflexion dans Kauffer, 2018c, p. 150.) et ensuite le fait que la 'menace' ne recouvre pas l’ensemble de la fonction pragmatique de certains ALS. Il en est de même pour l’acte de langage de l’'avertissement', qui connaît une complexité comparable. Voyons à ce sujet quelques exemples d’ALS avec dire. En général c’est moi qui te le dis ! « s’emploie pour renforcer une affirmation »12 (2a), mais dans certains contextes l’ALS renforce une 'menace' exprimée auparavant : dans l’ex. (2b) l’ALS renforce la 'menace' exprimée par « tu auras ta balle dans la peau ».

(2a)

Ah ! que tu seras heureuse. C’est moi qui te le dis, qui ne me suis jamais trompée. (Brasillach, 1958, p. 239)

(2b)

Quand on joue au con, on est sûr de gagner. Tu gagneras. Tu auras ta balle dans la peau, c’est moi qui te le dis. (Gary, 1980, p. 237).

De même, tiens-le toi pour dit ! (et la variante tiens-toi le pour dit !) manifeste certes un 'avertissement', mais également une 'injonction', que l’on peut expliciter de la façon suivante : « N’y revenez pas, inutile d’insister » (Robert, 2001, article dire). Qu’on se le dise ! est également un 'avertissement' ou une « formule invitant à répandre une information »13. Le problème des actes de langage de la 'menace' et de l’'avertissement' n’est cependant pas isolé. Pour d’autres ALS, il est tout aussi délicat de faire une différence nette entre deux actes de langage, par exemple l’'incrédulité' et la 'désapprobation', sans doute parce que ce dernier acte de langage peut être une conséquence ou une intensification du premier. C’est le cas entre autres des ALS suivants : il faut le dire vite, c’est pas dit, que tu dis. Dans l’exemple (3) avec il faut le dire vite, le locuteur exprime son 'incrédulité', son 'doute' par rapport à l’assertion précédente. Il la désapprouve certes, mais cette désapprobation n’est pas très forte.

(3)

Rafael Nadal moins dominant ? Il faut le dire vite… Vainqueur de Roland-Garros à onze reprises, l’Espagnol Rafael Nadal sera encore le favori cette édition 2019. (Journal Le Soir, 24/05/2019)14.

La quatrième grande difficulté que soulèvent les ALS est celle de leur « plasticité contextuelle » à savoir les liens complexes qu’ils entretiennent avec le contexte discursif où ils apparaissent. On constate en particulier des procédés de renforcement contextuel du sens des ALS par différents procédés, mais aussi des phénomènes de désambiguïsation et de déphraséologisation contextuelles des ALS. Nous avons exploré ce problème complexe dans plusieurs articles, en particulier Kauffer (2018 d, à paraître a).

2.2. ALS avec dire

Considérons l’ensemble des ALS avec dire, qui sont au nombre d’environ une centaine15, pour ce qui est de leur caractéristique d’acte de langage. Les actes de langage les plus fréquemment rencontrés sont ceux qui expriment le 'renforcement' : le locuteur confirme, renforce l’énoncé émis précédemment soit par lui-même (c’est comme je te16 le dis, c’est moi qui te le dis, j’ai dit, je sais ce que je dis, puisque je te le dis), soit par un de ses interlocuteurs (c’est le moins qu’on puisse dire, c’est pas peu dire, c’est (tout) dire, on peut le dire, voilà qui est dit). Les procédés employés pour exprimer ce renforcement sont variés, nous le verrons dans la 3ème partie. L’intensité du 'renforcement' est également variable et le locuteur peut exprimer, en plus du 'renforcement', une certaine 'insistance' (je sais ce que je dis, puisque je te le dis), voire le transformer en 'injonction' (j’ai dit !) ou en 'menace' (c’est moi qui te le dis). On trouve aussi un nombre assez important d’ALS marquant la 'désapprobation' ou l’'incrédulité' (c’est toi qui le dis, il faut le dire vite, c’est vite dit, c’est pas dit, on dit ça, etc.). Dans l’exemple (4) sur c’est vite dit, le locuteur reprend d’ailleurs l’élément sur lequel porte la 'désapprobation' : « un bateau neuf ».

(4)

Son fils Sylvain (…) lui avait même proposé de lui acheter un bateau neuf. (…) Un bateau neuf, c’est vite dit ! Un bateau neuf à son âge ! Un bateau inconnu qu’il aurait fallu apprivoiser ? Jamais de la vie. (Dormann, 1993, p. 129, citée par Pernot, 2015, p. 247).

D’autres ALS, également assez nombreux, expriment en revanche l’'approbation' du locuteur (tu l’as dit, tu peux le dire, tu ne crois pas si bien dire, etc.). Mais il existe aussi des actes de langage plus originaux, par exemple ceux qui manifestent une volonté de 'minimisation' du locuteur, ce dernier désamorçant ou neutralisant en quelque sorte l’affirmation qu’il a émise auparavant : c’est juste pour dire, j’ai rien dit, je disais ça comme ça et, apparu sans doute plus récemment, je dis ça, je dis rien. Toute une série d’ALS expriment aussi à des degrés divers un constat d’'évidence', voire d’une 'révélation' parfois mêlée 'd’étonnement' comme : ça dit bien ce que ça veut dire, ça va sans dire, y a pas à dire.

Remarquons que chacune des catégories d’actes de langage que nous venons d’examiner ne regroupent pas des ALS en nombre très élevé, au maximum une douzaine d’ALS différents pour ceux qui marquent le 'renforcement' d’un énoncé. Cela est dû au fait que les ALS en dire expriment des actes de langage extrêmement variés, certains actes n’étant attestés que par un ou deux ALS. Ces actes de langage sont d’ailleurs parfois assez difficiles à cerner17. Par exemple, c’est beaucoup dire exprime l’'incrédulité' ou la 'désapprobation' du locuteur due à un sentiment d’'exagération', ça ne me dit rien qui vaille manifeste une 'inquiétude', plus précisément un « pressentiment négatif » (Bidaud, 2002, p. 86), tu sais ce qu’il te dit est une réaction de 'rejet' à laquelle peuvent s’ajouter différents sentiments ou états d’esprit comme l’'insolence' ou l’'indignation'18. Notre lecteur aura sans doute également constaté que la manifestation d’une affectivité (sentiment, émotion, état d’esprit), qui peut être forte, accompagne souvent l’acte de langage : on vient de le voir pour tu sais ce qu’il te dit, mais c’est aussi le cas pour de nombreux autres ALS, cette partie affective variant bien sûr beaucoup en nature et en intensité selon le contexte : tu m’en diras tant ('étonnement distancié')19, si on m’avait dit ('étonnement' ou 'regret'), tu veux que je te dise ! (introduit une « déclaration abrupte […] faite sous l’emprise de la colère20 »), non mais dis ! ('forte colère', 'indignation')21, etc. L’exemple de l’ALS22 dis donc ! est fort instructif à cet égard. Il peut exprimer l’acte de langage de la 'désapprobation' (ex. 5a) :

(5a)

La mère : Tu vas te promener, en pleine nuit ?

Henri : J’ai envie d’aller faire un tour.

La mère : Eh bien, dis donc, merci ! ... C’est gentil pour nous... (Jaoui et Bacri, 2005, p. 65)

Mais dans d’autres contextes, il manifeste plutôt l’'étonnement' du locuteur (ex. 5b et 5c) :

(5b)

— Eh dis donc ! Viens voir ça ! Ben ça alors ! On aura tout vu ici : un bédouin avec son chameau. (…) (Tournier, 1985, p. 182)

(5c)

Maintenant qu’on l’avait lavé, on voyait que son arcade sourcilière était fendue et sa lèvre inférieure tuméfiée. Le regard de Benoît disait :

Dis donc ! Il me semble que tu n’y es pas allé de main morte ! (Simenon ,1953, p. 379).

On trouve aussi des ALS qui selon le contexte expriment des actes de langage bien différents. Ainsi l’ALS ça ne me dit rien peut servir au locuteur à manifester son 'ignorance' (ex. 16a), tandis que dans l’exemple (6b) il exprime son 'manque d’intérêt', voire son 'refus' :

(6a)

— Capitaine, demanda le policier, connaissez-vous dans la région une centrale thermique ? […] Barnes esquissa une moue incertaine.

— Non, ça ne me dit rien. Peut-être plus à l’ouest... (Grange, 1998, p. 122)

(6b)

Ce qui m’intéressait : les routes, les ponts, la nouvelle Fiat, la nouvelle gare de Rome, la nouvelle automotrice Rapido, la nouvelle Olivetti. Les musées, ça ne me dit rien. (Frisch, 1961, p. 128).

3. Compositionnalité et typologie des ALS

Après avoir examiné la caractéristique principale des ALS, à savoir le fait que ce sont des actes de langage, il convient d’analyser une autre de leurs caractéristiques définitoires, c’est-à-dire leur compositionnalité. Qu’entendons-nous par là ? Un ALS est en principe non compositionnel, car son sens global, y compris sa fonction pragmatique d’acte de langage, n’est pas entièrement déductible des sens de ses composantes lexicales. Nous sommes ici au niveau sémantico-pragmatique, car la compositionnalité sémantique est à la base de la formation de la fonction pragmatique d’acte de langage des ALS, nous verrons de quelle manière. Notre analyse nous permettra de définir plusieurs types d’ALS en nous appuyant à la fois sur leur (non-)compositionnalité et leur fonction pragmatique.

Nous ne reviendrons pas sur les caractéristiques essentielles de la compositionnalité en linguistique et plus particulièrement en phraséologie, car nous les avons déjà examinées par ailleurs23. Contentons-nous de remarquer que c’est une notion très employée en morphologie ‒ de par son origine se situant dans les approches logiques et formelles de la langue ‒ mais assez peu en phraséologie, où ce sont plutôt les problèmes d’opacité, d’idiomaticité, de (re)motivation, de variantes sémantiques qui font l’objet d’un nombre important de publications (pour des détails, voir Kauffer, à par. b, 1ère partie). Pour classifier les types d’ALS, nous nous baserons sur deux approches qui nous paraissent complémentaires. La première est celle de Polguère (2015, p. 262) qui explore la non-compositionnalité des locutions. Il définit une locution comme une « expression phraséologique sémantiquement non compositionnelle » (p. 262). Puis il présente, dans la perspective de la « Théorie Sens-Texte », une classification des locutions en trois catégories, locutions faibles, fortes et semi-locutions, sur la base du « rapport entre leur sens, tel que décrit dans une définition lexicographique, et leur composition formelle » (p. 270). Soit le sens global de la locution « ne fait appel au sens d’aucune des lexies composant le syntagme locutionnel » (locution forte), soit il « contient le sens d’une partie du stock lexical qui la constitue formellement » (semi-locution), soit « il contient le sens de toutes les lexies qu’elle inclut formellement » avec en plus un « sens additionnel » (locution faible) (p. 270-271). La deuxième approche est celle de Dostie (2004, p. 34 et sq.), qui réfléchit sur la pragmaticalisation et ses critères. Pour Dostie (2004, p. 27), il y a pragmaticalisation quand une unité lexicale « ne joue pas un rôle sur le plan référentiel, mais bien sur le plan conversationnel ; elle sera alors le résultat d’un processus de pragmaticalisation ». Son analyse de la pragmaticalisation s’applique aux marqueurs discursifs, mais avec des critères suffisamment théoriques et complets pour être transposables aux ALS, qui sont bien sûr soumis au processus de pragmaticalisation (voir aussi Kauffer, 2019b).. En effet, classer les ALS sur une base purement sémantique ne suffit pas à rendre compte de la complexité d’un ALS. Lors de l’emploi d’un ALS, on passe du niveau sémantique au niveau pragmatique et une relation étroite se tisse entre le sens de l’ALS et sa valeur illocutoire en tant qu’acte de langage. Nous examinerons donc la manière dont la fonction pragmatique24 d’un ALS est reliée au sens de ses composants et les moyens linguistiques employés, en nous appuyant pour cela sur des exemples d’ALS en dire.

3.1. ALS et non-ALS

Avant de présenter les trois types d’ALS, remarquons qu’il faut éviter de confondre les expressions qui sont des ALS et celle qui n’en sont pas bien qu’elles soient formellement identiques. Un ALS, en général plus ou moins fortement non compositionnel, a parfois un correspondant sur le plan du signifiant qui n’est pas un ALS, car il est compositionnel. Voici tout d’abord l’exemple de tu l’as dit, qui peut être un segment de discours libre : il est donc compositionnel et a une fonction de nature référentielle. Il peut aussi être un ALS non compositionnel qui a une fonction essentiellement pragmatique. Par exemple, tu l’as dit est totalement compositionnel dans l’exemple (7a) : le locuteur (Honoré) s’en sert pour constater que son interlocuteur a émis un certain énoncé.

(7a)

— Je n’ai jamais dit une chose pareille ! protestait le vétérinaire avec sa voix taillée en pointe.

Tu l’as dit ! tonna Honoré, et tu ne l’as pas dit franchement ! (Aymé, 1960, p. 178).

En revanche, dans l’exemple (7b), tu l’as dit est un ALS non compositionnel : il sert surtout à exprimer un acte de langage, à savoir l’'approbation' du locuteur (M. Delobelle), qui manifeste qu’il est d’accord avec ce que vient de dire son interlocuteur (Adrien). D’ailleurs, l’ajout plaisant de bouffi à tu l’as dit, avec la rime interne ainsi créée, renforce l’'approbation' en exprimant en plus la 'satisfaction' du locuteur, qui est content d’avoir raison ou d’avoir convaincu Adrien.

(7b)

— L’eau, le gaz, l’électricité, le pain, tout manquera. Les trains, les tramways ne marcheront plus. Vous voyez d’ici ce que ça donnera.

— Alors, disait Adrien, si quelque part un enfant est malade et qu’il faut un médecin ? Et dans les maisons de santé, les hôpitaux, pas de lumière pour les opérations d’urgence ? Pas d’eau pour laver les mains des chirurgiens ?

Tu l’as dit, bouffi, triomphait M. Delobelle. Ah là là, il en mourra des innocents dans ces jours-là ! (Aragon, 1936, p. 43)

Autres exemples : rien à dire ! peut servir à exprimer soit que le locuteur 'ne désire rien ajouter' à l’énoncé précédent (je n’ai rien à dire) soit, en tant qu’ALS, que le locuteur 'approuve' ce qui a été dit, qu’il n’a aucune objection. On lui dira ! est soit un moyen pour le locuteur de dire qu’il 'transmettra une information' à quelqu’un (lui), soit un ALS non compositionnel qui exprime une 'fin de non recevoir' où le locuteur dit « qu’il ne tiendra aucun compte25 » de l’énoncé critique qui vient de lui être signifié. Rouanne (2015, p. 62) pense d'ailleurs que les expressions du type c’est (X) dire (par exemple c’est dire ; c’est tout dire, c’est beaucoup dire) sont « bien plus que la somme de leurs composants ».

3.2. Type 1 : ALS non compositionnels et fortement pragmatiques

Les ALS du Type 1 sont toujours non compositionnels et ont subi une forte désémantisation, c’est-à-dire une perte de leur sens d’origine. Marque-Pucheu (2010, p. 262) parle de « pouvoir référentiel réduit » et d’« atténuation du sens », Perrin (2016, p. 251) y voit un « affaiblissement conceptuel ». La relation entre le sens d’origine et l’acte de langage exprimé est relativement ténue et la valeur illocutoire de l’ALS a en quelque sorte pris le dessus sur une interprétation littérale. Ce sont des ALS où le verbe dire, même s’il est la base du groupe verbal que constitue l’ALS, a un sens figuré et ne signifie pas ‘exprimer, communiquer quelque chose’ (Robert 2021), comme c’est souvent le cas pour ce verbe. Les ALS de ce type peuvent exprimer un sentiment, une émotion. Par exemple ça ne me dit rien qui vaille exprime un « pressentiment négatif »26 : le locuteur se fait du souci pour quelque chose qui pourrait arriver plus tard. De même, tu m’en diras tant exprime souvent l’'étonnement' que le locuteur éprouve en comprenant enfin quelque chose (Bidaud, 2002, p. 104). La grande variabilité pragmatique de cet ALS27 fait que dans l’exemple (8) il exprime aussi la 'perplexité' voire l’'incrédulité' du locuteur face à l’énoncé de son interlocutrice.

(8)

— T’as petite mine. Qu’est-ce qui se passe ?

— Je suis crevée. Je dors plus de la nuit. Il me tue, Roger.

Tu m’en diras tant ! Allez, te plains pas, c’est une saine fatigue ça. (Sarraute, 1986, citée par Schneider, 1989, p. 327).

En revanche, je (ne) te dis que ça ! permet, dans certains contextes, au locuteur d’exprimer une grande 'satisfaction' ou de donner une 'évaluation très positive' (ex. 9) :

(9)

M. Holtz est un homme de cœur, voilà tout. Et de goût. Il vous réserve une chambre, je ne vous dis que ça. C’est bien simple, des tapis aux tableaux, tout est signé. (Boileau & Narcejac, 1988, p. 88).

D’autres ALS de ce type emploient dire dans d’autres sens également figurés et assez variés. Par exemple (c’est) mon petit doigt (qui) me l’a dit est en général destiné à un enfant (ou plaisamment à un adulte) auquel le locuteur fait comprendre qu’'il a appris quelque chose', mais sans vouloir révéler sa source, comme dans l’exemple (10) :

(10)

Mifa : Maman aussi, elle est au ciel ?

Grand-Mère : Bien sûr ! […] Tu sais ce qu’elle pense en ce moment ? Eh bien, elle se dit : j’espère que ma petite fille va bien travailler à l’école pour avoir un bon métier plus tard ! […]

Mifa : Comment tu sais qu’elle pense ça ?

Grand-Mère : C’est mon petit doigt qui me l’a dit… (Pecqueur & Malfin, 2007, p. 6)

Autre exemple : grâce à l’ALS si le cœur t’en dit, souvent ajouté après une proposition émise par un locuteur, ce dernier 's’en remet au souhait' de son interlocuteur. Ce n’est pas son cœur qui dit quelque chose...

3.3. Type 2 : ALS semi-compositionnels et pragmatiques

Dans ce type d’ALS, la désémantisation n’est que partielle, car le sens compositionnel est en partie conservé. Il est cependant modifié à l’aide de différents procédés. Les ALS de ce type ont une fonction pragmatique qui est plus facilement prévisible, car elle se construit sur une base sémantique existante. Le verbe dire garde en partie son sens, mais celui-ci, ainsi que les énoncés que dire sert à introduire, font l’objet de diverses modifications et manipulations pour construire sur cette base un acte de langage original.

Dans une première sous-catégorie d’ALS, on constate des phénomènes proches de la « litote » où le locuteur, voire l’interlocuteur, en dit moins pour en dire plus, ou sous-évalue volontairement ce qui a été dit précédemment pour mieux l’exprimer grâce à l’ALS. Dans je te dis pas !, le locuteur 'fait semblant de ne pas se prononcer' (ne pas se prononcer serait le sens compositionnel de je ne te dis pas) pour en fait mieux exprimer son propos, voire 'renchérir' sur ce qui a été dit ou va être dit28. L’exemple (11) montre un tel emploi de cet ALS : à l’aide de je te dis pas le locuteur 'feint de croire' son interlocutrice pour mieux exprimer par la suite son sentiment, c’est-à-dire sa 'contrariété'29.

(11)

Elle pleurait balbutiant, répétant : « c’n’est point d’ma faute ! C’n’est point d’ma faute ! » alors il s’adoucit un peu et il ajouta : « j’te dis pas, mais c’est contrariant tout de même ». (Maupassant, 1881, p. 40)

Autre exemple : c’est le moins qu’on puisse dire, cette fois c’est l’interlocuteur qui 'est taxé de ne pas en dire ou en faire assez', et cela permet au locuteur de 'renforcer' son propos. Le procédé est assez comparable dans d’autres ALS comme c’est peu dire, tu ne crois pas si bien dire, etc.

Une deuxième sous-catégorie regroupe des ALS qui permettent de 'confirmer' ce qui a été dit précédemment. Grâce à l’ALS, le locuteur constate que l’énoncé ou bien la situation 'correspondent aux attentes exprimées auparavant'. C’est, contrairement à la première sous-catégorie, un déroulement en deux étapes : une première où le locuteur 'attend quelque chose' ou le 'prévoit' et une deuxième où grâce à l’ALS il se rend compte que 'les choses prennent la tournure qu’il avait prévue'. Le degré de compositionnalité est variable et le verbe dire garde parfois son sens. C’est le cas de c’est bien ce que je disais, où « le locuteur constate qu’il avait évalué correctement la situation » (Bidaud, 2002, p. 88). L’ALS je me disais aussi est également assez proche : le locuteur obtient la 'confirmation' de ce qu’il pressentait. Quand je te le disais ! sert également à 'rappeler, voire confirmer le bien-fondé des propos précédents' du locuteur, comme on le remarque dans l’exemple (12).

(12)

— Et alors ? Qui est-ce qui avait raison ? demanda-t-elle. Vaincu, le visiteur courba le dos, en silence.

— Hein ? Quand je te le disais ! triompha la voyante (collectif Esoshare)30

Une troisième sous-catégorie est constituée d’ALS grâce auxquels l’énoncé précédemment surévalué est 'minimisé' de différentes manières. Le locuteur revient sur ce qui a été dit auparavant, par lui-même ou un interlocuteur, et 'diminue la portée' de cet énoncé. Ce sont des ALS comme j’ai rien dit ; je dis ça, je dis rien ; c’est rien de le dire ; c’est juste pour dire. Grâce à ces ALS, le locuteur désire 'atténuer la portée' d’un énoncé précédent, ou 'ne pas l’assumer complètement', ou 'prendre ses distances', etc. Voici un exemple de je dis ça, je dis rien, où le locuteur corrige son interlocuteur, puis 'atténue sa critique' :

(13)

— Dans le cadre de mon école de commerce parisienne, j’ai eu la chance de pouvoir faire un échange Erasmus aux Etats-Unis, dans une école à New York. Ce séjour dans la capitale américaine m’a permis de sentir l’optimisme aux Etats Unis à la suite de l’élection d’Obama […]

— « Ce séjour dans la capitale américaine » … Heu t’es au courant que c’est Washington la capitale ? Enfin, moi aussi je, je dis ça je dis rien… (Blog Le Monde, cité par Pernot (2019, p. 386) dans son article sur je dis ça, je dis rien)

3.4. Type 3 : ALS compositionnels et superposition pragmatique

Dans ce troisième type, l’ALS n’a pas subi de désémantisation, le sens du verbe dire étant d’ailleurs en général conservé. Mais le sens compositionnel, habituellement basé sur le verbe dire et ses différents emplois, permet de construire en plus un acte de langage qui se superpose, s’ajoute à ce sens compositionnel. Les niveaux sémantique et pragmatique sont donc complémentaires. Souvent il s’agit à la base d’un 'constat', d’un 'état de fait', en général basé sur le fait qu’un locuteur a dit quelque chose et il s’y ajoute un acte de langage : 'approbation', 'incrédulité', 'désapprobation', 'renforcement d’un énoncé', 'promesse', etc. Il existe un assez grand nombre d’ALS de ce type ; nous tenterons de les classer dans deux grandes sous-catégories basées sur l’acte de langage exprimé.

Dans une première sous-catégorie, le locuteur manifeste sa 'désapprobation' de ce qui a été dit par un interlocuteur. Il 'conteste' l’énoncé émis précédemment et cela par différents moyens. Lesquels ? Il peut 'laisser à l’interlocuteur la responsabilité de son affirmation' (c’est toi qui le dis), ou bien 'sous-entendre que l’interlocuteur a parlé trop vite', c’est-à-dire sans réfléchir (c’est vite dit ; il faut le dire vite), ou bien 'signaler que l’interlocuteur est allé trop loin', donc qu’il 'exagère' (c’est beaucoup dire), ou encore 'suggérer qu’il n’a plus toute sa raison' (tu ne sais pas ce que tu dis), etc. Dans l’exemple (14) avec c’est vite dit, on remarque que le locuteur (Marcel) reprend même une partie de l’énoncé (« ses propres moyens »), celle avec laquelle il est en désaccord.

(14)

— Tout ce que je veux, c’est partir dans la vie sans plus de chances que les autres et posséder seulement ce qu’un homme peut gagner par ses propres moyens.

— Ses propres moyens, dit Marcel, c’est vite dit. Il inspecta Jean de la tête aux pieds.

— Oui, dit Jean. Mon père a payé ce complet, ces souliers ; il a payé aussi mon apprentissage. Mais personne ne part jamais du zéro absolu. (Beauvoir, 1945, p. 37).

Parfois cette 'désapprobation' prend des formes inattendues : par exemple l’ALS c’est celui qui le dit qui l’est est utilisé souvent par un enfant pour 'manifester son désaccord en rejetant sur son interlocuteur la critique ou l’insulte de ce dernier'31.

Parfois, sans aller jusqu’à la 'désapprobation', il s’agit pour le locuteur d’exprimer son 'incrédulité', son 'scepticisme' par rapport à ce qui a été dit32. Cette 'incrédulité' peut être globale (c’est pas dit ; on dit ça), ou bien prendre la forme d’une 'critique plus ou moins forte de la partialité de l’interlocuteur' (que tu dis, si tu le dis), ou bien peut 'mettre en cause une partie du contenu exprimé' : par exemple c’est facile à dire sous-entend souvent … mais difficile à faire. C’est le cas dans l’exemple (15) avec c’est facile à dire : l’interlocuteur de Nic, Patak, a compris que c’est le fait d’arriver à trouver un chemin qui est difficile, et non le fait de parler de ce problème :

(15)

— Tu le vois, forestier, dit le docteur, tu le vois !... Il n’y a pas même de chemin... ou plutôt, il n’y en a plus !

— Il y en aura, répondit Nic Deck.

C’est facile à dire, Nic...

— Et facile à faire, Patak. (Verne, 1997, p. 71)

Dans l’exemple (16) avec on dit ça, l’'incrédulité' de « Fifille » est soulignée par le verbe ricaner, qui exprime son attitude sarcastique.

(16)

— Redites-le une fois de plus et je vous réduis en chair à saucisses ! rugit-il. Ma mère a peut-être des défauts, mais ce n’est pas une pute !

On dit ça ! ricane d’une voix criarde Fifille. (Buron, 1998, p. 39)

Une deuxième sous-catégorie d’ALS a pour point commun d’exprimer un 'renforcement' de l’énoncé précédent. Comme pour tous les ALS de cette classe, il y a toujours à la base quelque chose qui a été dit précédemment ; mais, en plus, le locuteur 'approuve fermement', voire 'renforce' l’affirmation émise, que ce soit par lui-même : (c’est) comme je te le dis, je sais ce que je dis, ou par un interlocuteur : on peut le dire, tu l’as dit, voilà qui est dit. Le 'renforcement' de ce qui a été dit prend parfois une dimension encore plus forte. Soit le locuteur 'insiste fortement', 'renouvelle son approbation' (puisque je te le dis !), soit il veut 'marquer son autorité' (j’ai dit ! est quasiment une injonction33), soit il 'rappelle que ce qui est dit équivaut à une promesse' (ce qui est dit est dit). Le 'renforcement' peut même prendre la forme d’une 'menace' (c’est moi qui te le dis !).

4. Conclusion

En guise de bilan, voici quelques remarques conclusives et quelques perspectives. Après avoir exploré les actes de langage exprimés par les ALS en dire, nous avons pu élaborer une typologie de ces ALS sur la base de leur compositionnalité et de leur fonction pragmatique, ce qui permet de voir plus clair dans les sens et emplois de cette catégorie d’ALS très fournie. L’intégralité des nombreux ALS en dire peut être répartie dans les 3 types que nous avons définis, même si tous les types ne sont pas de dimension égale : par exemple le Type 1 est moins fourni que les Types 2 ou 3. Nous n’avons par ailleurs pas voulu trancher entre deux approches apparemment opposées, mais qui sont en fait complémentaires. D’une part une « approche unitaire »34 qui expliquerait l’ensemble des emplois et des fonctions pragmatiques des « expressions énonciatives » formées avec dire uniquement par la sémantique de dire et d’autre part une autre solution qui, pour expliquer les fonctions pragmatiques de ces expressions, considère qu’il n’est pas nécessaire de les rattacher à la sémantique et à la syntaxe du verbe dire (Péroz, 2013, p. 258). Notre analyse de la relation parfois étroite entre sémantique et fonction pragmatique des ALS a montré que la réalité linguistique est plus nuancée et se situe sans doute entre ces deux extrêmes. Elle a aussi permis d’élaborer une typologie sémantico-pragmatique des ALS. Cela ouvre d’ailleurs des pistes de recherche fort intéressantes. Il conviendrait ainsi de poursuivre une analyse micro-linguistique et énonciative35 détaillée de ces ALS en dire, et particulièrement de les étudier aussi selon d’autres critères qui permettraient de mieux les appréhender : les types d’énoncés où ils apparaissent36, leur prosodie, et enfin les « patrons syntaxiques » qu’ils semblent former37.

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Notes

1 Nous entendons par phraséologisme une unité lexicale qui a trois caractéristiques définitoires : polylexicalité, figement morpho-syntaxique et idiomaticité sémantique (Burger, 2015, p. 14), définition adoptée par de nombreux phraséologues. Retour au texte

2 Citons parmi les plus fréquentes : acte de langage lexicalisé (Schemann, 1993), énoncé lié (Fónagy, 1997), expression d’illocutoire stéréotypé (Schneider, 1989), phraséologisme communicationnel (Burger, 2010), pragmatème (Blanco & Mejri, 2018 ; Mel’čuk, 2011), routine ou formule conversationnelle (Bladas, 2012 ; Klein & Lamiroy, 2011), structure figée de la conversation (Bidaud ,2002). Retour au texte

3 Voir notre analyse critique de cette catégorisation dans Kauffer (2018b, section 1). Retour au texte

4 Nous faisons une distinction de base entre d’une part sémantique, à savoir « l’ensemble des signifiés codiques, littéraux », et d’autre part pragmatique, c’est-à-dire « les significations communiquées ». Retour au texte

5 Les ALS ne sont donc pas de nature vériconditionnelle, on ne peut y réagir par oui/non, vrai/faux. Voir à ce sujet Perrin (2019) et le cadre théorique de son analyse de je (n’) dis pas. Retour au texte

6 Nous ne ferons pas d’état de l’art des publications sur dire et les verbes du dire, cela nécessiterait un article en soi, vu leur nombre énorme (le verbe dire est d’ailleurs « un des verbes les plus utilisés du français », dixit Anscombre, 2015, p. 103), mais indiquerons seulement celles qui ont rendu service à notre réflexion sur les ALS en dire. Retour au texte

7 La plupart d’entre elles sont des ALS : je vous dis pas, c’est dire, y a pas à dire, etc. Retour au texte

8 Notre définition de la fonction pragmatique des ALS avec dire dans cette partie et dans la suite de cette contribution est basée sur trois sources : a) les microstructures du dictionnaire électronique des ALS en cours d’élaboration à l’ATILF, microstructures déjà publiées dans la revue des Nouveaux Cahiers d’allemand (entre autres Hammer, 2021 ; Kauffer, 2015 ; Pernot, 2015, 2017, 2019) ; b) les « étiquettes sémantiques » proposées par Bidaud (2002) dans son ouvrage sur les « structures figées de la conversation », dont un bon nombre sont en fait des ALS ; c) les définitions lexicographiques, il est vrai souvent succinctes, de ces ALS par deux versions du Nouveau Petit Robert, celle en ligne (Robert 2021) et celle sur CD (Robert, 2001), qui se complètent bien, même si le Robert (2001) est souvent plus précis. Retour au texte

9 « Au sens large » signifie qu’il s’ajoute souvent à la valeur illocutoire proprement dite un élément « affectif », à savoir l’expression d’un sentiment, d’une émotion, d’un état psychologique : 'colère', 'indignation', 'étonnement', 'satisfaction', etc. Retour au texte

10 Voir Austin (1970), Searle (1979), mais aussi Vanderveken (1988), pour ne citer que les plus importantes et les plus complètes. Retour au texte

11 Kauffer, 2018b, 2ème partie ; 2018c, 3ème partie. Retour au texte

12 Robert (2001, article dire). Retour au texte

13 Robert (2001, article dire) le compare d’ailleurs à un autre ALS : à bon entendeur, salut. Retour au texte

14 https://plus.lesoir.be/226809/article/2019-05-24/rafael-nadal-moins-dominant-il-faut-le-dire-vite Retour au texte

15 Plus exactement 93 ALS différents, mais cet inventaire est provisoire et doit être affiné et complété par la suite. Retour au texte

16 Pour les ALS avec dire employé comme verbe conjugué, nous présentons la forme avec la 2ème personne du singulier désignant l’interlocuteur, en gardant à l’esprit que la plupart peuvent aussi être employés à la 2ème personne du pluriel (c’est comme je te le dis / c’est comme je vous le dis, c’est toi qui le dis / c’est vous qui le dites), mais pas toujours : tu l’as dit semble être attesté seulement au singulier. Ceux où la 1ère personne du singulier désigne le locuteur sont plus souvent figés pour ce qui est de la personne du verbe conjugué. Retour au texte

17 Nous sommes conscient du fait que l’acte de langage indiqué pour chaque ALS est parfois une simplification de sa fonction pragmatique. Cette dernière est complexe, car elle peut englober plusieurs actes de langages pour un même ALS (selon le contexte d’emploi), et elle comprend aussi une dimension affective et expressive qui se superpose à la valeur d’acte de langage. Retour au texte

18 Pour Bidaud (2002, p. 103) il s’agit d’une « réponse insolente à une critique, une offense ou une moquerie ». Retour au texte

19 Voir la microstructure de vous m’en direz tant (Hammer, 2021). Retour au texte

20 Bidaud, 2002, p. 103. Retour au texte

21 ALS que Le Robert (2001) assimile un peu rapidement à sans blague. Retour au texte

22 Dis donc ! n’est pas toujours un ALS. Il peut être souvent un marqueur discursif avec des fonctions variées : signaler un changement d’interlocuteur, interpeller une personne, etc. Retour au texte

23 Nous avons exposé les problèmes théoriques que pose encore la compositionnalité (Kauffer, à paraître b), en particulier celui qui nous intéresse le plus ici, la nature de la relation entre l’« objet de langage complexe » et les « composants de cet objet » (Dargnat, 2015, p. 197). Retour au texte

24 Voir la différence entre fonction pragmatique et valeur d’acte de langage en note 17. Retour au texte

25 Voir Bidaud (2002, p. 98) qui remarque justement que lui désigne une « tierce personne imaginaire ». Ce n’est pas le cas de lui dans l’emploi compositionnel, où lui désigne un interlocuteur bien réel. Bidaud (2002, p. 98) donne l’exemple suivant, tiré de R. Fallet : « ‒ Tiens, t’es qu’une dévergondée ! ‒ On lui dira ! ». Retour au texte

26 Bidaud (2002, p. 86). Robert (2001, article dire) donne une phrase synonyme pour définir cet ALS : « cela me paraît louche, dangereux ». Retour au texte

27 Voir l’analyse détaillée de Hammer (2021, p. 67), d’où est tiré l’exemple. Retour au texte

28 C’est un procédé proche de la prétérition. Bidaud (2002, p. 96, reprenant Le Robert) résume la fonction pragmatique complexe de cet ALS de la façon suivante : « on sous-entend ce qu’on prétend ne pas souhaiter révéler ». Retour au texte

29 On peut aussi analyser cet ALS comme un marqueur de concession. Perrin (2019, p. 6) parle d’ailleurs dans son analyse détaillée de j’dis pas de « concession offensive » pour cet emploi. Retour au texte

30 https://lesothentique.wordpress.com/2017/01/12/de-lexistence-de-mme-irma-voyance/ Retour au texte

31 Il a été employé le 18/03/2021 par le président russe, Vladimir Poutine, lors d’une visioconférence pour répondre à son homologue américain, Joe Biden, qui l’avait traité de « tueur » : https://www.nouvelobs.com/monde/20210318.OBS41559/c-est-celui-qui-le-dit-qui-l-est-poutine-repond-a-biden-qui-l-a-traite-de-tueur.html Retour au texte

32 Nous l’avons vu plus haut, la différence entre la 'désapprobation' et l’'incrédulité' est parfois ténue : c’est souvent une question de degré et il est difficile de distinguer les deux actes de langage s’il n’y a pas d’autres indices dans le contexte qui corroborent la valeur illocutoire précise de l’ALS. Retour au texte

33 Le Robert (2001, article dire) considère cet ALS comme équivalent de l’impératif obéissez ! Retour au texte

34 Voir le débat dans Péroz (2013, p. 257 et sq.). Retour au texte

35 Voir les remarques de Perrin (2019, p. 10 et sq.) sur l’utilité de la théorie de la polyphonie de Ducrot pour l’analyse du « connecteur argumentatif » je (n’)dis pas. Retour au texte

36 Voir Marque-Pucheu (2020, p. 272) sur la fréquence des exclamatives et des interrogatives parmi les « expressions situationnelles », qui recouvrent en grande partie les ALS. Retour au texte

37 Voir Rouanne (2015) et les propositions de Marque-Pucheu (2010, p. 266 et sq.) sur ces patrons. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Maurice Kauffer, « Les « actes de langage stéréotypés » avec dire », Lexique, 29 | -1, 57-74.

Référence électronique

Maurice Kauffer, « Les « actes de langage stéréotypés » avec dire », Lexique [En ligne], 29 | 2021, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 17 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/lexique/110

Auteur

Maurice Kauffer

Université de Lorraine-Nancy / CNRS-ATILF
Maurice.Kauffer@univ-lorraine.fr

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